LA MÉTHODE DE TRAVAIL DE HERGÉ AUX STUDIOS (1950 – 1983)

Pour vous permettre de comprendre mieux la méthode de travail utilisée aux Studios HERGÉ, voici les différentes étapes de la réalisation. Vous constaterez qu’à cette époque (au début des années 50) réaliser une bande dessinée était un travail long qui exigeait beaucoup de rigueur, de minutie et de précision. Quand on pense aux milliers de cases des albums de Tintin on imagine la difficulté !

PREMIÈRE ÉTAPE : LE DÉCOUPAGE

La première étape est tout naturellement de trouver un scénario, le plus simple possible, pour poser les bornes de l’histoire à raconter. Le découpage graphique vient par la suite développer et enrichir ce scénario. A ce stade, Hergé dessine sommairement l’enchaînement des cases en s’assurant de mettre un point d’orgue à la fin de chaque page. Les dialogues et les personnages sont dessinés très rapidement, sans les décors. C’est donc à cette étape que l’histoire prend sa forme. Laissons parler Hergé :

« Une fois le scénario mis au point, je procède au découpage page par page, sur des petites feuilles où je griffonne des croquis. Et ça, c’est le travail le plus difficile, parce qu’il faut un suspense ou une chute à la fin de chaque page. Et si, par exemple, arrivé à la page 42, je trouve une meilleure idée pour la page 15, tout est à recommencer depuis la page 15 !… Un travail d’horloger, je vous assure. D’horloger ou de bénédictin. Ou d’horloger bénédictin… »

DEUXIÈME ÉTAPE : LES CRAYONNÉS

Avant de faire son dessin proprement dit, Hergé commence d’abord par réaliser de nombreux crayonnés. A ce stade, il n’hésite pas à raturer et effacer des dizaines de fois… Jusqu’à ce que son crayonné le satisfasse pleinement et qu’il trouve enfin “le trait juste”.

Ensuite, lorsque tous ses crayonnés sont terminés, il les recopie sur un papier calque choisissant à chaque fois le trait qui convient le mieux pour obtenir un dessin parfait.

 

TROISIÈME ÉTAPE : LA MISE AU NET

A partir des calques, le dessin est “mis au net” en traçant les contours à l’encre de chine à la plume ou au pinceau (c’est ainsi que s’obtient la fameuse “ligne claire”). L’ensemble est alors transmis au photograveur. Le photograveur reproduit fidèlement le dessin sur un film positif (le résultat consiste en un film transparent sur lequel n’apparaît que le trait noir du dessin).

QUATRIÈME ÉTAPE : LE « BLEU » DE COLORIAGE

A partir de ce film le photograveur “grave” une plaque d’impression qui va permettre d’imprimer ce dessin au trait en petite quantité (une dizaine d’exemplaires). Cette impression se réalise sur un papier de type Canson, très épais et tolérant bien l’eau et la peinture (gouache, aquarelle…) de façon à bien supporter le coloriage. Ces dix épreuves ne sont pas imprimées en noir, mais dans des tons pâles de gris ou de bleu (d’où leur nom de “bleu” de coloriage).Le photograveur envoie alors les “bleus” de coloriage, accompagnés du film noir correspondant, au format de la publication définitive aux Studios Hergé.

CINQUIÈME ÉTAPE : LA MISE EN COULEURS SUR LE « BLEU »

Le coloriage proprement dit est alors réalisé par les coloristes. Ces dernières s’appliquent à colorier en ne débordant pas des limites imprimées en… bleu. Régulièrement la coloriste (aux Studios Hergé c’était une tâche délicate et donc plutôt confiée à des jeunes femmes) superpose le film du trait noir sur le “bleu” pour vérifier le rendu visuel et la bonne “cohabitation” du trait noir et de la couleur. Notez sur le “bleu” colorié on ne met pas en couleurs les parties qui doivent rester noires puisque c’est le film du trait noir, une fois superposé, qui s’en chargera

Les couleurs sont appliquées en aplats, sans dégradé, ce qui donne selon Hergé une plus grande lisibilité et davantage de fraîcheur. Tout cela est réalisé à partir d’une charte chromatique, très stricte, définie par Hergé : toujours le même type de bleu pour le pull de Tintin, par exemple. Notez que sur le “bleu” colorié on ne met pas en couleurs les parties qui doivent rester noires puisque c’est le film du trait noir, une fois superposé, qui s’en chargera.

PARALLÈLEMENT : LE LETTRAGE

83 700 ! Non, il ne s’agit pas d’un chiffre de vente record atteint par un mythique objet Hergéen, mais celui du nombre de signes typographiques que contient en moyenne chaque album de Tintin. Nombreux sont ceux qui ont appris et aimé la lecture grâce à Hergé, mais aussi, sans le savoir, grâce à Arsène Lemey, qui a exercé la profession de “lettreur” aux éditions Casterman.

DERNIÈRE ETAPE : LES FILMS POUR L’IMPRESSION

Une fois le travail terminé, l’ensemble est à nouveau renvoyé chez le photograveur. Celui-ci réalise alors, au moyen d’un agrandisseur et de filtres adaptés, la séparation des couleurs qui lui permettra de fournir à l’imprimeur les 4 films nécessaires : celui du trait noir, celui du jaune, celui du bleu et celui du rouge. A partir de ces couleurs de base (dites primaires) on obtient toutes les autres couleurs de la gamme (de la même façon que vous obtenez du vert quand vous mélangez sur votre palette un peu de peinture jaune et un peu de peinture bleue. Le vert d’ailleurs n’est pas le même suivant que vous mettiez davantage de jaune ou de bleu).

DEUX OUVRAGES POUR COMPLÉTER VOTRE INFORMATION : 

l’équipe du studio en 1955: de gauche à droite, Baudouin Van Den Branden de Reeth, Josette Baujot, Jacques Martin, Hergé, Bob de Moor, Monique Laurent, Roger Leloup et Michel Desmarets

 

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