FASCICULE PETIT VINGTIÈME (6 mai 1937 L’Ile Noire)

Ce fascicule du jeudi 6 mai 1937. Il porte le numéro 16. La couverture a été dessinée spécialement par Hergé. Il s’agit d’une illustration inédite et à ce titre jamais reprise en album. Elle est en rapport avec l‘Île Noire. Elle présente Tintin entre les Dupont(d), menottes aux poignets, dans un compartiment de chemin de fer.

A l’intérieur, la double page Tintin est consacrée à l’Ile Noire. Il s’agit de la séquence où Tintin, victime d’une machination ourdie par Wronzoff alors qu’il s’est endormi dans le train, est arrêté par les policiers : “Que voulez-vous, toutes les apparences sont contre vous”. Ce fascicule comporte aussi une double page consacrée aux aventures de Jo, Zette et Jocko : “Le Rayon du Mystère”.

Comme vous pouvez le constater ci-dessous, la version actuelle est fort différente : 

C’est à tort que j’emploie ici le patronyme des Dupont(d), puisque ce n’est que dans “Le Sceptre d’Ottokar” que Tintin dévoilera leur véritable identité lorsqu’il les présente au Professeur Halambique avant de s’embarquer pour la Syldavie. En effet chronologiquement, les Dupont sont apparus pour la toute première fois dans “Tintin en Orient” (Les Cigares du pharaon) et se sont alors présentés sous les noms d’agents X33 et X33 bis de la Police Sécrète. Tout au long des aventures qui ont suivi dans le Petit vingtième: Le lotus Bleu, l’Oreille Cassée et l’Ile noire, Tintin parle d’eux comme étant “les policiers”. Ce n’est que lorsqu’il remit en page Tintin au Congo pour l’édition couleurs en 1946 que Hergé s’amusa à les faire apparaître sur le quai de la gare, (la seule fois où ils apparaissent dans l’aventure).

LA 7éme AVENTURE DE TINTIN

 “L’Ile Noire” située, entre “L’Oreille Cassée” et “Le Sceptre d’Ottokar”, constitue la 7éme aventure de Tintin. Elle a commencé à paraître, sous forme de prépublication, le 15 avril 1937 dans  le “Petit Vingtième” et s’y terminé le 16 juin 1938. Signalons que le titre “L’Ile Noire” n’est apparu véritablement que lorsqu’il a fallu en mettre un sur la couverture de l’album qui fut édité pour la première fois, en noir & blanc, en 1938. Précisons à ce propos, que lors de cette première édition Casterman avait oublié de faire figurer sur la couverture de l’album le nom de Hergé ! … Ce qui fait que ce dernier bénéficie d’un côte assez élevée !

UNE AVENTURE INSPIRÉE PAR DES FAITS RÉELS

Le point de départ de cette nouvelle aventure de Tintin a été fourni à Hergé par les nombreuses affaires de faux qui firent la une des journaux avant la dernière guerre. Faux dollars, fausses livres sterling, faux francs, faux bons du Trésor… les faussaires de l’époque s’en donnaient à cœur joie ! il faut dire qu’au milieu des années 30, la technologie favorisait ce type de pratique : les techniques d’impression avait beaucoup évoluées, encourageant ainsi la contrefaçon. De plus des agents soviétiques et nazis tentaient en cette période d’instabilité politique de déséquilibrer le monde libre en introduisant de fausses devises. Les nazis ont à cette époque certainement imprimé plus de livres sterling que la banque d’Angleterre, sans pour autant parvenir à ruiner l’économie britannique.

UNE AVENTURE PLUSIEURS FOIS REMANIÉE

“L’Ile noire” a connu 3 versions.

La première version, ce fut bien évidemment celle qui parut dans “Le Petit Vingtième”. Il y eut même quelques essais de couleurs en trichromie (noir, vert et rouge) sur certains fascicules. Elle fut éditée en 1938 en album et cette fois exclusivement en noir & blanc.

La seconde version fut l’édition couleurs de l’album, publié en 1943. Hormis la mise en couleurs, les changements par rapport à la parution du “Petit Vingtième” furent mineurs : sur le train qui part pour l’Angleterre le mot “Bruxelles “ ne figure plus, la barbe droite de Wronzoff connaît quelques frisotis, le docteur Müller gagne un prénom (J.W) et un tréma sur le “u”, et c’est à peu près tout, exceptés quelques recadrages.

La troisième version, celle modifiée en 1965 (parue en 1966), fut la plus importante au niveau des remaniements. C’est l’éditeur anglais qui lorsqu’il décide de traduire l’histoire en anglais, se rend compte, en lisant la version française (“ce sont des choses qui arrivent” dira Hergé) que les décors risquent de paraître bien vieillots aux jeunes lecteurs anglais fans des Beatles et surtout que Hergé a commis de nombreuses erreurs de détails, dans les costumes et les paysages. Il relève au moins 131 erreurs ! Bref, il demande tellement de corrections que Hergé décide, certainement tenté par ce pari insensé, de tout revoir. De reprendre complètement les dialogues et les images pour recomposer l’histoire sans toutefois en modifier l’intrigue. Occupé à cette époque par la réalisation de “Vol 741 pour Sydney”, Hergé décide d’envoyer son plus proche collaborateur, Bob de Moor, pendant 2 semaines dans le Sussex et en Écosse avec mission de rapporter toute la documentation (photos et croquis) pour corriger les points litigieux : du boulon de locomotive au casque de pompier !

A peine embarqué à bord du Ferry pour la traversée et pendant 15 jours, Bob de Moor s’y emploie avec ardeur. Il rentre aux Studios avec des dizaines de photos, de croquis, des pages remplis de notes et même… l’uniforme complet d’un “Bobby” gracieusement prêté par la police anglaise. Aidé par Roger Leloup (le spécialiste aéronautique des Studios Hergé) il s ‘attaque à l’ouvrage. Tout, absolument tout sera modifié : costumes, couleurs, véhicules, accessoires, armes, voitures, avions, décors intérieurs, … Tout va changer : le wagon de whisky verra le nom de “Jhonnie Walker”, remplacé par “Loch Lomond”; le train sera électrifié, etc…

Il suffit de comparer les cases ci-dessous pour suivre l’évolution :

Signalons que parmi les Tintinophiles, cette dernière version de l’Ile Noire compte de farouches adversaires, nostalgiques de la version 2. La poésie y est tuée par le réalisme et l’abondance des détails estiment-ils. Frédéric Soumois va même jusqu’à dénoncer une “catastrophe narrative”.

Version Album 1938
Version Album 1943
Version Album 1966

Signalons qu’en décembre 2005 est paru un somptueux ouvrage grand format réunissant les 3 versions de l’île noire en vis à vis, le plus intéressant n’est pas simplement d’avoir les 3 versions mais de pouvoir les suivre simultanément planche après planche. Dommage que Etienne Pollet, l’auteur, n’est pas pu récidiver avec d’autres albums. Album devenu quasiment introuvable aujourd’hui.

 

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Un commentaire


  1. I have the second version of the album The Black Island in portuguese (Brazil) and also the New version.

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