PETIT VINGTIÈME : LES ENNUIS FERROVIAIRES DE TINTIN

Il s’agit du fascicule du jeudi 25 novembre 1937. Il porte le numéro 47. La couverture a été dessinée spécialement par Hergé. Il s’agit d’une illustration inédite et à ce titre jamais reprise en album. Elle est en rapport avec l‘Île Noire. Elle présente Tintin qui voit s’éloigner la locomotive décrochée par le Docteur Müller et son chauffeur Ivan.


En ce qui concerne la double page consacrée à Tintin, elle concerne la séquence dans laquelle Tintin et Milou viennent d’être décrochés. Ils arpentent la voie de chemin de fer et fort heureusement ils peuvent sauter dans un train de marchandises. Les voilà installés sur le rebord d’un wagon citerne…

Il est toujours aussi curieux de remarquer avec quelle facilité on peut décrocher une locomotive de son train tandis qu’il roule ! … Ceci est en effet impossible vu l’effort de traction. Peut-être en phase de freinage, et encore, la compression sur l’accouplement serait telle que le décrochage est tout aussi très hypothétique.

Le nombre de BD qui rééditèrent cette erreur de physique, particulièrement dans les westerns, est considérable et ferait à lui seul l’objet d’une recherche intéressante.


Tintin et Milou s’installent sur un wagon citerne transportant du whisky… Mais là se pose une question : Le whisky se transporte-t-il en wagon citerne ? Les sociétés transportent du malt, du whisky non affiné, en citerne, mais pour le produit fini, seul le transport en bouteille est admis. À cet égard, le whisky rejoint dans la réglementation des transports, la liste des matières dangereuses, ce qu’on savait lorsqu’il n’est pas consommé avec modération !


HERGÉ ET LOCH LOMOND

Au musée « World train », un wagon de transport de pétrole fait figurer, par projection lumineuse, la mention « LOCH LOMOND WHISKY », clin d’œil à l’œuvre de Hergé.

Déjà, dans la toute première version de l’aventure, dans Le Petit Vingtième, en 1937 la marque « Johnnie Walker » figurait sur le wagon par souci de réalisme. En 1965, Hergé qui (compte tenu de la future sortie de son album en Angleterre) pensait courir un risque en utilisant une marque connue imagina une marque fictive : Loch Lomond… Le problème c’est que cette marque existe vraiment même si sa production est infime. Il s’agit d’une distillerie de whisky située à Alexandria dans le WesDunbartonshireen Écosse près du Loch Lomond.


L’ÎLE NOIRE :  7éme AVENTURE DE TINTIN

L’Île Noire située, entre L’Oreille Cassée et Le Sceptre d’Ottokar, constitue la 7éme aventure de Tintin. Elle a commencé à paraître, sous forme de prépublication, le 15 avril 1937 dans  le Petit Vingtième et s’y terminée le 16 juin 1938. Signalons que le titre “L’Île Noire” n’est apparu véritablement que lorsqu’il a fallu en mettre un sur la couverture de l’album qui fut édité pour la première fois, en noir & blanc, en 1938. Précisons à ce propos, que lors de cette première édition Casterman avait oublié de faire figurer sur la couverture de l’album le nom de Hergé ! … Ce qui fait que ce dernier bénéficie d’un côte assez élevée !

A gauche, le nom de Hergé a été oublié…

UNE AVENTURE INSPIRÉE PAR DES FAITS RÉELS

Le point de départ de cette nouvelle aventure de Tintin a été fourni à Hergé par les nombreuses affaires de faux qui firent la une des journaux avant la dernière guerre. Faux dollars, fausses livres sterling, faux francs, faux bons du Trésor… les faussaires de l’époque s’en donnaient à cœur joie ! il faut dire qu’au milieu des années 30, la technologie favorisait ce type de pratique : les techniques d’impression avait beaucoup évoluées, encourageant ainsi la contrefaçon. De plus des agents soviétiques et nazis tentaient en cette période d’instabilité politique de déséquilibrer le monde libre en introduisant de fausses devises. Les nazis ont à cette époque certainement imprimé plus de livres sterling que la banque d’Angleterre, sans pour autant parvenir à ruiner l’économie britannique.

UNE AVENTURE PLUSIEURS FOIS REMANIÉE

“L’Ile noire” a connu 3 versions.

La première version, ce fut bien évidemment celle qui parut dans “Le Petit Vingtième”. Il y eut même quelques essais de couleurs en trichromie (noir, vert et rouge) sur certains fascicules. Elle fut éditée en 1938 en album et cette fois exclusivement en noir & blanc.

La seconde version fut l’édition couleurs de l’album, publié en 1943. Hormis la mise en couleurs, les changements par rapport à la parution du “Petit Vingtième” furent mineurs : sur le train qui part pour l’Angleterre le mot “Bruxelles “ ne figure plus, la barbe droite de Wronzoff connaît quelques frisotis, le docteur Müller gagne un prénom (J.W) et un tréma sur le “u”, et c’est à peu près tout, exceptés quelques recadrages.

La troisième version, celle modifiée en 1965 (parue en 1966), fut la plus importante au niveau des remaniements. C’est l’éditeur anglais qui lorsqu’il décide de traduire l’histoire en anglais, se rend compte, en lisant la version française (“ce sont des choses qui arrivent” dira Hergé) que les décors risquent de paraître bien vieillots aux jeunes lecteurs anglais fans des Beatles et surtout que Hergé a commis de nombreuses erreurs de détails, dans les costumes et les paysages. Il relève au moins 131 erreurs ! Bref, il demande tellement de corrections que Hergé décide, certainement tenté par ce pari insensé, de tout revoir. De reprendre complètement les dialogues et les images pour recomposer l’histoire sans toutefois en modifier l’intrigue. Occupé à cette époque par la réalisation de Vol 741 pour Sydney, Hergé décide d’envoyer son plus proche collaborateur, Bob de Moor, pendant 2 semaines dans le Sussex et en Écosse avec mission de rapporter toute la documentation (photos et croquis) pour corriger les points litigieux : du boulon de locomotive au casque de pompier !

A peine embarqué à bord du Ferry pour la traversée et pendant 15 jours, Bob de Moor s’y emploie avec ardeur. Il rentre aux Studios avec des dizaines de photos, de croquis, des pages remplis de notes et même… l’uniforme complet d’un “Bobby” gracieusement prêté par la police anglaise. Aidé par Roger Leloup (le spécialiste aéronautique des Studios Hergé) il s ‘attaque à l’ouvrage. Tout, absolument tout sera modifié : costumes, couleurs, véhicules, accessoires, armes, voitures, avions, décors intérieurs, … Tout va changer : le wagon de whisky verra le nom de “Jhonnie Walker”, remplacé par “Loch Lomond”; le train sera électrifié, etc…

Il suffit de comparer les cases ci-dessous pour suivre l’évolution :

Version noir et blanc 1938
Version couleurs de 1943
Version couleurs de 1965

Parmi les Tintinophiles, cette dernière version de l’Île Noire compte de farouches adversaires, nostalgiques de la version 2. La poésie y est tuée par le réalisme et l’abondance des détails estiment-ils. Frédéric Soumois va même jusqu’à dénoncer une “catastrophe narrative”.

Signalons enfin qu’en décembre 2005 est paru un somptueux ouvrage grand format réunissant les 3 versions de l’île noire en vis à vis, le plus intéressant n’est pas simplement d’avoir les 3 versions mais de pouvoir les suivre simultanément planche après planche. Dommage que Etienne Pollet, l’auteur, n’est pas pu récidiver avec d’autres albums. Album devenu quasiment introuvable aujourd’hui.

LA MÉTAMORPHOSE D’IVAN :

L’aviez vous remarqué ? En 1965 Ivan n’est plus chauve, il a désormais des cheveux et son costume a changé, il porte désormais un costume de ville plutôt qu’un manteau blanc et de bottes.

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2 commentaires


  1. Attention, c’est vol 714 et non 741
    Johnny et non Jonny
    Sur ce, article très intéressant merci pour toutes ces informations, continuez.👍

    Répondre

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