OUI TINTIN A BIEN SUBIT LA STUPIDE CENSURE AMÉRICAINE. JE PERSISTE ET SIGNE !!!!

Drôle d’histoire où Les joies d’Internet… Il y a quelques mois j’avais publié sur une page Facebook consacrée à Tintin un article dans lequel j’expliquais que l’éditeur américain de Hergé avait fait preuve de censure concernant la présence de personnages de race noire dans les Aventures de Tintin. Et que Hergé, sous la pression fut contraint de les modifier.

Et j’avais expliqué mon propos. Le motif ? Ceux-ci étaient noirs, et les Américains, appliquant la ségrégation jusque dans les cases des bandes dessinées, jugeaient choquante leur présence dans des œuvres destinées à la jeunesse. On ne devait pas voir un noir à côté d’un blanc…En quelques pages, deux personnages passèrent ainsi du noir au blanc :

  • Jumbo, le marin laissé par Tintin ligoté et bâillonné dans la cabine du capitaine Haddock :
Version originale en noir et blanc
 Première version couleurs
Version censurée, c’est la version officielle aujourd’hui
  • Ainsi que la brute épaisse qui bat Haddock dans la cave :
Première version couleurs
Résultat de la censure américaine

Ces derniers ont été changés en un marin blanc et un tortionnaire vraisemblablement turc en raison des préoccupations de l’éditeur américain concernant « la promiscuité » des noirs et des blancs


UNE VOLÉE DE BOIS VERT

Qu’avais-je osé écrire ! Scandale inadmissible… J’ai eu droit à un véritable festival où les pudeurs de gazelle le disputaient aux cris d’orfraies ! La réaction des 2 administrateurs de cette page fut immédiate. Pas le moindre message en privé pour m’alerter. Non ! J’eu droit tout de suite à un flot de commentaires critiques et indignés (sans doute ces 2 petits procureurs s’étaient-ils concertés au préalable pour me descendre en flammes) dans lesquels ces « bien-pensant » m’expliquaient à coups de « Monsieur Jean-Luc Rémy » que je me livrais à l’anti-américanisme le plus primaire et le plus indigne, que mes propos étaient attentatoires à la dignité du peuple américain et que bien au contraire, les braves éditeurs yankee, pétris de bons sentiments, avaient été outrageusement choqués par la façon dégradante dont Hergé osait représenter les noirs (grosses lèvres, etc…) et que ce n’était que justice d’obliger Hergé à corriger ses erreurs. Quasiment presque une tribune digne de la presse de la gauche caviar donneuse de leçons. Tout juste si je n’étais pas aux ordres des Mollahs iraniens qui vomissent le grand Satan !

Comment nos 2 « censeurs » (c’est le cas de le dire) ont-il pu oser écrire de telles inepties en prétendant connaître Hergé et son œuvre ? Je n’y vois que de l’aveuglement certainement causé par de la jalousie. Ces 2 personnages,  qui se piquent de Tintinologie et si prompts à critiquer, auraient dû tourner 7 fois leur pouce autour du clavier avant de raconter de si grosses conneries. D’autant plus que si ce que prétendent nos 2 procureurs est vrai, il aurait suffit à Hergé de redessiner les personnages noirs plutôt que de les blanchir… 

REMETTONS LES CHOSES DANS LEUR CONTEXTE

C’est en 1959 que paraît pour la première fois Le Crabe aux Pinces d’Or aux États-Unis sous le titre Tintin, The crab with the golden claws chez Golden Press, Goldencraft library binding. Cette première édition américaine est d’abord exclusivement destinée aux bibliothèques publiques :

Couverture de l’édition américaine pour les bibliothèques

Il s’agit d’une édition cartonnée et toilée jaune sur fond ocre, illustrée en bleu nuit et orange. Une alliance de couleur très réussie, parue en 1959, ici dans sa déclinaison la plus recherchée (Goldencraft) avec des plats particulièrement résistants recouverts de tissu en impression bicolore, – un tirage réservé aux bibliothèques. Papier épais de qualité, couleurs d’une belle densité. Seul titre à contenir de somptueux hors-textes au nombre de quatre, au rendu différant légèrement de l’édition originale française.

Ce sera ensuite l’édition pour le public qui sera mise en vente quelques mois après : 

Doit-on rappeler à nos 2 donneurs de leçon ce qu’il en était de la ségrégation aux États-Unis en 1959. Oui en 1959, la date a son importance

A début des années 60 la vie quotidienne de la population noire américaine est faite d’inégalités et de discriminations dans bien des domaines.

Les Noirs subissent de nombreuses discriminations et exclusions dans les lieux et services publics (trains, bus) en raison des lois ségrégationnistes -lois Jim Crow instaurées en 1876. La ségrégation entre les Blancs et les Noirs est également pratiquée dans certains théâtres et restaurants. Ainsi en 1960, des étudiants noirs en Caroline du Nord, à Greensboro, font un sit-in pendant six mois devant un restaurant avant de pouvoir y être servis. La discrimination à l’emploi est bien réelle: certains emplois sont occupés uniquement par des Blancs et restent inaccessibles aux Noirs.

La ségrégation scolaire est aussi de mise. Ainsi, il faut une intervention fédérale pour permettre à James Meredith -premier étudiant noir inscrit à l’Université du Mississipi- d’intégrer le campus en septembre 1962, encadré par la force publique. Durant toute sa scolarité à l’Université Ole Miss, il devra être protégé par des agents fédéraux.

James H. Meredith, being escorted by federal marshals upon arriving at the University of Mississippi, September, 1962.

Il faudra attendre l’adoption de la loi sur les droits civiques (Civils Rights Act), signé par le président Lyndon Johnson le 2 juillet 1964 pour que toute forme de ségrégation soit enfin interdite dans les lieux publics. Mais les mentalités sont plus lentes à évoluer que les lois dans certains endroits, nécessitant la poursuite du combat pour faire appliquer la loi.

Même Coca-Cola pratiquait la ségrégation
  • Par exemple les lois interdisant les unions mixtes entre les Blancs et les Noirs perdureront jusqu’en 1967.
  • Autre exemple, la discrimination dans le logement bien qu’interdite, persistera dans certains États jusqu’en 1968.
  • Dernier exemple : aujourd’hui encore, la constitution de l’Alabama stipule toujours que des établissements scolaires distincts doivent être fournis pour les enfants blancs et les enfants noirs, et aucun enfant de l’une de ces deux races ne doit être autorisé à aller dans un établissement réservé à l’autre.

Pour justifier si besoin était encore mon explication, il suffit de se reporter au  livre de Benoît Peeters Le monde d’Hergé dans lequel il consacre tout un paragraphe aux modifications réalisées dans Le Crabe aux Pinces d’Or : « C’est ainsi que deux personnages de Noirs se sont retrouvés blanchis : celui de la page 18 […] et la grande brute de la page 53 […]Ces deux personnages n’ont pas été transformés en raison de la volonté de Hergé […] Mais de la volonté expresse des éditeurs américains qui refusaient l’idée de la mixité dans les bandes dessinées. […] il ne s’agit donc pas d’une suppression de type antiraciste, mais bien au contraire d’un racisme de second degré dont Hergé est absolument innocent.« 

Voilà, ça méritait d’être précisé… Même avec quelques semaines de retard.

 March on Washington. African Americans carrying signs for equal rights, integrated schools, decent housing, and an end to bias. August 28, 1963.
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