VIDÉO : TRÈS RARE : PREMIERS DESSINS (SEMI) ANIMÉS DE TINTIN (1957)

Raymond Leblanc, éditeur du Journal de Tintin voit dans l’émergence de la télévision un support prometteur pour ses personnages de papier. Il décide alors de créer le studio d’animation Belvision. C’est le 15 octobre 1954 que Raymond Leblanc crée la société Belvision. Dans l’acte de constitution, il est précisé : la société a pour objet la réalisation de programmes filmés,

La cheville ouvrière de l’entreprise est Karel Van Milleghem, par ailleurs responsable de KUIFJE (la version néerlandophone du journal Tintin). À titre anecdotique signalons que c’est ce dernier qui a eu l’idée du slogan : Le journal des jeunes de 7 à 77 ans. Karel Van Milleghem est passionné par la photographie et le cinéma.

Les premières vraies animations ont été réalisées par Belvision de 1955 à 1958 pour la Télévision Belge, avec des moyens vraiment rudimentaires. Ce furent d’abord plusieurs adaptations d’animation des bandes dessinées de Willy Vandersteen (Bob et Bobette) avec lequel Karel Van Milleghem était ami. 

Les animateurs gomment les phylactères et réalisent ainsi : Le fantôme espagnol, La clé de bronze, Les ambassadeurs martiens dont un extrait en néerlandais peut être regardé ci-dessous :

Cliquez au milieu de l’image pour lancer la vidéo

On remarque que l’animation était très poussive. C’était loin de ce que les studios américains et japonais produisaient déjà à cette époque. Encore une fois, Jos Marissen et Karel Van Milleghem – les deux seules personnes travaillant sur ces animations chez Belvision à cette époque n’avaient jamais vraiment réalisés de films d’animation auparavant. Ils se contentaient le plus souvent d’agiter des silhouettes de papier devant la caméra, en les faisant bouger au moyen de languettes ou de fils. Nombreux sont les plans fixes qui se succèdent pour créer l’illusion du mouvement.

Faire de bons films d’animation s’est avéré coûteux, difficile et risqué. Van Milleghem avait quelques idées auxquelles tout le monde croyait, déclare Guy Dessicy, assistant de Hergé et de Leblanc. Mais il pensait que faire un film d’animation était facile: vous prenez deux dessins, vous les montrez l’un après l’autre, et cela ferait un film. Mais il s’est avéré que ce n’était pas si facile. C’était vraiment très difficile de faire un bon film, et il a fallu beaucoup de monde pour le faire. Et beaucoup d’argent, bien sûr.  Leblanc voulait devenir une sorte de Disney européen, dit Dessicy. Il voulait avoir quelque chose qu’il pourrait appeler le sien. L’hebdomadaire Tintin était le sien, mais tout le monde l’associait à Hergé. Je pense que cela le préoccupait lorsqu’il a investi tant de temps et d’argent dans Belvision.

C’est en 1956 que Belvision parvient enfin à sortir Tintin et Milou, les personnages vedettes du journal, de ses cartons. Elle signe un contrat avec la Radiotélévision Française, portant sur deux séries de dessins animés « Tintin ». Il s’agit d’une série d’animations réalisée en 1957 par Belvision pour la Radiotélévision française (la RTF car il n’y avait qu’une seule chaîne en France à cette époque). Deux premiers films sont réalisés en 16 mm noir et blanc, à partir des albums Le Sceptre d’Ottokar et L’Oreille cassée.

Dans la courte vidéo de l’Oreille cassée présentée ci-dessus, il n’y a curieusement pas les voix interprétées par Jean Nohain, uniquement la piste musicale de Belvision. L’origine de cette vidéo est inconnue mais on peut supposer qu’il s’agit d’une copie réalisée très discrètement et «clandestinement» à l’Institut National de l’Audiovisuel qui possède toutes les archives de la télévision française.


Cette série d’animation en noir et blanc peut donc être considérée comme la toute première adaptation des aventures de Tintin en dessins animés.  Hergé, qui vient de terminer la publication de L’Affaire Tournesol dans l’hebdomadaire, et qui est plongé dans le projet Coke en stock, n’entend pas être mobilisé par ce projet parallèle durant deux ans. C’est pourquoi il charge son collaborateur Bob De Moor de le suivre de près. C’est lui qui assurera ou supervisera le tracé des personnages et des décors.

Le résultat sera naturellement à la hauteur des ambitions limitées par la technique utilisée : franchement décevant ! En dépit d’un commentaire enjoué, assuré par le très populaire Jean Nohain, Le Sceptre d’Ottokar (1956-57) et L’Oreille cassée (1957-58) laisseront tout le monde insatisfait.

Les deux extraits ci-dessus du Sceptre d’Ottokar laissent clairement apercevoir les limites de l’animation. Seuls les avant-bras de Tintin changent de position au cours de la séquence. Encore fallait-il qu’ils se meuvent à bon escient : l’épaule du roi devait masquer la main de Tintin.

Le Sceptre d’Ottokar donnera lieu à une série de 8 épisodes de treize minutes, tandis que L’Oreille cassée en comptera 7. Ils sont diffusés à la télévision française : Le Sceptre d’Ottokar pendant l’hiver 1957 (28 novembre) et L’Oreille Cassée pendant l’été 1959 (4 juillet).Dans ces 2 séries, tout est fait en semi-animation avec une majorité d’images fixes et quelques rares mouvements de personnages. Seul les épisodes de L’Oreille Cassée comportent un peu plus d’animation. Hergé s’est finalement impliqué plus que prévu dans les scénarios et les dessins. On retrouve certaines des cases des albums qui ont subi quelques petites retouches ainsi que des images totalement nouvelles, notamment dans L’Oreille Cassée. De même, le scénario a parfois été modifié. Par exemple, au début du Sceptre d’Ottokar, dans le restaurant syldave « Klow », Tintin ne demande pas à aller aux toilettes mais demande à téléphoner. Ces modifications visuelles et orales étaient jugées nécessaires pour rendre l’ensemble plus captivant pour les téléspectateurs.

Un seul comédien assurait alors toutes les voix de tous les personnages (y compris celle de la Castafiore !) : il s’agit de Jean Nohain qui prêtait sa voix au narrateur et à tous les personnages. Il adaptait également sa voix quand il interprétait un autre personnage. Un procédé courant à l’époque dans les feuilletons radio.

En 1950, Jean Nohain qui fut un grand résistant pendant la guerre,est engagé à la télévision, où il a l’idée il a l’idée de créer ’36 chandelles’, une émission de variétés télévisée considérée comme étant de grande qualité, diffusée sur la RTF du 27 octobre 1952 au 7 juillet 1958. Jean Nohain est aussi l’auteur de livres pour enfants, comme Friquet pilote de ligne ou les séries des Frimousset, des Grassouillet et de La Famille Amulette, toutes illustrées par Joseph Pinchon, l’auteur de Bécassine.

Sur scène, Jean Nohain (surnommé Jaboune) se caractérisait par une bonhomie et un regard malicieux ponctués de quelques expressions qui lui étaient typiques (par exemple ‘bien de chez nous’, ‘c’est merveilleux’), son esprit de perpétuel naïf émerveillé devant les progrès de la civilisation était en phase avec l’optimisme général des années 1950 et 1960, et apprécié pour cette raison.

Dans les années 70, refusant de prendre sa retraite, il parcourt la France en y animant des galas. Il affiche alors, malgré son âge, une santé de fer, un grand dynamisme et une bonne humeur à toute épreuve. Il meurt le 25 janvier 1981.

Sur les conseils de la RTF, la réalisation fut confiée à Anne-Marie Ullmann, qui s’est vu interdire de retoucher les dessins fournis par les Studios Hergé. Ce veto aura pour conséquence une animation laborieuse et des personnages figés et le résultat décevra la RTF, qui ne renouvellera pas son association avec Belvision.

En 1958, Karel Van Milleghem ayant déclaré forfait, l’équipe sera désormais dirigée par Yvan Szucs, ex-chanteur d’opéra et comédien sans emploi, récemment émigré de Hongrie. C’est sous sa direction que Belvision entreprendra en 1958 d’adapter On a marché sur la Lune.

On en reparlera dans une prochaine publication…

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le nom du personnage de Szut, le fameux « mitrailleur à bavette » borgne et mercenaire estonien aurait été inspiré à Hergé par ce fameux Yvan Szücs. Cet homme, réfugié en Belgique après l’insurrection de 1956, avait été chanteur d’opéra et aurait joué dans de petits films hongrois.

AUTRE PUBLICATION SUR LE SUJET : 

VIDÉO : TINTIN, HERGÉ ET LES DESSINS ANIMÉS DE BELVISION :

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