Il est de notoriété publique que Hergé avait beaucoup d’humour. On le constate par le comique des situations dans lesquelles s’enferrent ses personnages… Certains de ses sketchs sont passés à la postérité : la boucherie Sanzot, le sparadrap du capitaine Haddock…

Hergé cultivait aussi dans sa propre vie privée l’humour, la farce et la blague. Pour preuve, par exemple, cette lettre qu’il adressa un jour de l’été 1971 à l’un de ses voisins de la paisible Avenue du Vert Chasseur à Uccle (à côté de l’Observatoire représenté dans L’Étoile Mystérieuse) où il résidait à l’époque avec Fanny.

Hergé écrivit une lettre à son voisin pour se plaindre de son chien qui aboyait en pleine nuit, troublant ainsi son sommeil :

Cher Monsieur,

J’ai complètement oublié de vous parler, lorsque nous nous sommes rencontrés, tout récemment, d’un point délicat qui concerne votre chien. Que je vous dise tout de suite que j’entretiens avec lui d’excellents rapports et que je n’ai qu’à me louer de sa courtoisie lorsque le hasard nous met en présence. Mais c’est de son petit côté noctambule que je viens aujourd’hui vous entretenir.

Voici, schématiquement, ce qui se passe de plus en plus fréquemment hélas…

La nuit est venue. Il est dix heures Docteur Schweitzer. (Ou onze heures. Ou minuit. Ou même plus tard.) L’avenue du Vert Chasseur est un miracle, de paix, de calme, de silence… Je glisse doucement dans le sommeil…

Ça y est, je dors…

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Et brusquement…

WOUAH ! WOUAH ! WOUAH !

Je sursaute, hagard, le cœur battant, le cheveu en broussaille, l’œil exorbité : Qu’est-ce que c’est ?… Le feu ? Un tremblement de terre ?… Une bombe ?…

Non, c’est Nicky…

Puis, c’est de nouveau le silence, le bon, le grand, le merveilleux silence. Et je me rendors…

Mais je suppose que ce que vous a dit Nicky, en sortant, c’est quelque chose dans le genre de : A tout à l’heure, je vais faire un petit tour et je reviens.

Car, quelques minutes plus tard, c’est de nouveau l’éclatement des WOUAH ! WOUAH ! WOUAH!

Et ainsi, certains soirs, plusieurs fois de suite…

Je sais bien que la Nature a ses exigences. Et il est on ne peut plus légitime pour Nicky de s’y conformer. Mais peut-être consentirait-il, si vous interveniez discrètement dans ce sens, à modifier légèrement son « planning » et à adopter un horaire moins tardif ?

D’avance, je lui -et je vous- en serais infiniment reconnaissant.

Cordialement à vous.

G. Remi

Publication réalisée à partir de l’article paru dans la revue numéro 35 d’octobre 2002 de l‘Association des Amis de Hergé

Pour écouter le podcast de la conférence « L’Humour d’Hergé est-il indémodable ? », organisée en 2016 au Grand Palais à Paris, cliquez ci-dessous sur la flèche blanche dans le cercle rouge