TINTIN SOVIETS : UNE ILLUSTRATION MYTHIQUE

C’est le 10 janvier 1929, que commencent dans les colonnes du “Petit Vingtième” les aventures de Tintin, jeune reporter au “Petit Vingtième” et de son “sympathique cabot” Milou. Elles s’achèveront 138 planches plus tard, le 8 mai 1930.

La séquence où Tintin sculpte l’hélice dans un énorme tronc d’arbre est un grand moment des “Soviets”. Hergé réalisera à cette occasion une superbe illustration pour la couverture du fascicule du 13 février 1930

Rappelons que Tintin a emprunté un avion aux Soviets mais que ce dernier, touché par la foudre est victime d’un atterrissage un peu dur, et (suite aux manœuvres maladroites de Milou pour le redresser) se retrouve avec son hélice brisée.

Voilà Tintin et Milou seuls au milieu de l’immensité du pays des soviets. Aussitôt Tintin entreprend d’en fabriquer une nouvelle. Pour cela, avec son seul canif, il abat un arbre (tout en reconnaissant qu’un canif n’est peut-être pas l’outil rêvé), le débite en morceaux et se met à sculpter une hélice (Je ne comprends pas le plaisir qu’éprouvent certaines personnes à faire de la gravure sur bois commente-t-il).

L’hélice fonctionne, mais l’avion “vole” en arrière… ! Tintin a taillé l’hélice dans le mauvais sens (en effet, une hélice taillée “à droite” et montée sur un moteur qui tourne “à gauche” a pour résultat de faire reculer l’appareil).

Et voilà Tintin obligé de jouer du canif pour la seconde fois ! Mais rassurez-vous, la fabrication de la deuxième hélice a été plus rapide.

Aujourd’hui l’illustration originale de cette couverture est mise en vente aux enchères,

en ligne, par la Maison d’Enchères Heritage Auction située à Dallas aux États-Unis.

Encre de Chine sur papier (Avec retouches à la gouache)

format plein papier : 27 x 29,5 cm, format du dessin : 21 x 26 cm

LE COMMENTAIRE DE PHILIPPE GODDIN

Le 23 janvier 1930, fort du succès des aventures de Tintin, Le Petit Vingtième passe de huit à seize pages et mettra désormais une illustration en couverture. C’est ainsi que paraît le 13 février en couverture du supplément une illustration hors texte de Tintin au pays des Soviets. C’est la toute première fois qu’un magazine met ainsi Tintin à sa « une », de sorte qu’on peut dire que c’est avec cette illustration que décolle (tout un symbole !) la carrière médiatique de Tintin.

Un dessin d’une qualité exceptionnelle

La scène choisie par Hergé se réfère à la cinquante-septième double page du récit, et montre le héros occupé, sous le regard de Milou, à tailler au canif dans un tronc d’arbre une hélice de fortune pour son avion. Cette composition est remarquable à plus d’un titre. D’abord parce que Hergé n’a pas voulu se contenter d’agrandir une des cases de son récit dont il aurait supprimé les dialogues : il fait ici œuvre d’illustrateur, composant l’image avec soin et détaillant avec attention chaque partie. Ensuite parce que, comme l’aurait fait un peintre, il veille à animer toute la surface, n’y laissant pratiquement aucun vide : le ciel est « meublé » par l’aile de l’avion, et le sol par des copeaux de bois. L’élégance est partout présente : dans les formes des copeaux, dans les plis souples du cuir de la veste, dans celui des bottes, dans l’apparition d’une peau de mouton sur le col et les gants du héros… Aux stries de la souche sur laquelle Tintin est assis répondent les lignes du bandage de Milou. À l’herbe qu’on distingue près de la roue de l’avion répondent les maigres sapins qui apparaissent à l’horizon.

L’humour d’Hergé trouve aussi dans cette composition de grand format (le rectangle mesure quelque vingt et un centimètres sur vingt-six) de quoi s’épanouir : aux veines s’ajoutent les nœuds du bois, ainsi que de jeunes feuilles qui ont trouvé la force de repousser en dépit de la taille sévère opérée par Tintin.

Suprême effet décoratif :

le dessinateur a choisi de faire dépasser du cadre, de part et d’autre, l’hélice taillée par l’ingénieux pilote. Il confère ainsi à son image un relief, une profondeur qu’il n’avait pas encore osé indiquer dans les cases de son récit. Par chance, cette composition remarquable bénéficiera d’un grisé mécanique et d’un ton de soutien (le vert) qui, tous deux, pareront d’un effet de polychromie cette toute première apparition de Tintin en couverture d’une publication.

Un objet d’exception

Outre que ce dessin, signé, est le tout premier à avoir présenté Tintin et Milou en couverture d’un magazine, c’est une des rares illustrations de couverture signées Hergé qui appartient à un collectionneur privé. En tout cas la plus ancienne. La plupart des autres sont en effet la propriété du Musée Hergé à Louvain-la-Neuve, près de Bruxelles.

Philippe GODDIN – Biographe d’Hergé, auteur de Hergé, Tintin et les Soviets – La naissance d’une œuvre (éditions Moulinsart, 2016)

EN SAVOIR PLUS SUR HERITAGE AUCTIONS

Heritage Auctions est le plus grand commissaire-priseur d’objets de collection et la troisième plus grande maison de vente aux enchères au monde. Ils sont également le leader incontesté d’Internet dans leur domaine. Heritage Auctions, créé en 1976, compte aujourd’hui plus de 100 experts et de 300 professionnels supplémentaires axés sur le service.

Pour info, ce matin, 29 mai, l’enchère la plus élevée est à 250 000€

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