Chacun de nous sait que Tintin est un reporter, mais on ne le voit véritablement écrire un article que dans le premier album, Tintin au pays des Soviets.

En revanche, dès ce premier volume, Hergé insère une coupure de presse au début de l’album pour introduire l’histoire.

Cette première insertion étant très rudimentaire tant au niveau du graphisme que du contenu. Le fait d’inclure une coupure de presse produit un effet de réel dans des aventures qui ont lieu dans un monde plus ou moins contemporain – à tous égards familier -, et on ne peut que remarquer, dans les aventures ultérieures de Tintin, la part croissante de nouveaux médias, tels que la radio et la télévision, les trois derniers albums font une place de plus en plus grande à la télévision, suivant en cela l’évolution du lectorat qui voit, dès les années soixante, le petit écran envahir son quotidien.

Anecdotique dans les quatre premiers albums, l’insertion du réel s’intensifie ensuite, bien qu’elle soit absente des deux albums de l’aventure lunaires pour des raisons évidentes (pas de médias sur la lune, huis clos coupé du monde extérieur dans un centre de recherches atomiques et dans la fusée). Les aventures dans lesquelles elles sont prépondérantes sont celles où le lien avec le réel est le plus évident, où les événements racontés sont les plus susceptibles d’attirer l’attention de la presse, de la radio ou de la télévision.

L’insertion d’un extrait de journal en début d’album revient à plusieurs reprises, c’est le cas notamment pour Lotus  où il permet de faire le lien avec Cigares dont il est la suite ; cette première case est suivie de vues du palais du Maharadja, puis de Milou, et enfin de Tintin.

On retrouvera ce procédé dans Le Secret de la Licorne et dans Les 7 Boules de Cristal où, dès le premier strip, une coupure de presse introduit le sujet de l’aventure.

Les coupures de presse peuvent également apparaître à l’intérieur de l’histoire, offrant ainsi au lecteur une ponctuation qui permet aux héros et /ou au lecteur de connaître les derniers développements des événements. Elles permettent aussi de faire avancer l’espace-temps dans lequel se déroule l’aventure, comme dans Les 7 Boules de Cristal, où les coupures de presse tiennent le lecteur en haleine, dans l’attente d’une nouvelle victime de la malédiction de Rascar Capac.

Elles peuvent même être moteurs de l’histoire, notamment dans les derniers albums (Bijoux, Picaros), puisque dans ces deux cas, les médias jouent un rôle très important : c’est la presse qui annonce le mariage Haddock-Castafiore dans les Bijoux de la Castafiore.

Dans Tintin et les Picaros, c’est par médias interposés (presse/radio /TV) que Haddock et Tapioca s’insultent et s’accusent mutuellement de complot.

Enfin, Hergé utilise les coupures de presse en fin d’album pour résumer les résultats d’une enquête ou d’une aventure. Cela permet de faire une synthèse, un bilan des événements : coupures de presse dans L’Île Noire :

Et dans Coke en stock :

Ou encore la télévision dans les trois dernières pages de Vol 714.

Ces apparitions permettent de répondre au principe d’économie qui est la règle dans la bande dessinée où l’on ne peut se permettre de longs développements, contrairement au roman où un narrateur peut résumer ou commenter l’action. On voit donc les personnages réagir en direct à l’information, exprimant leur surprise ou leur indignation, et nous lisons par-dessus leur épaule, écoutons la radio ou regardons la télévision avec eux.

Par ailleurs, la position dans la page des coupures de presse/radio/TV a son importance, car les histoires de Tintin étaient d’abord publiées sous forme de feuilleton dans le Petit Vingtième puis dans le journal Tintin, à raison d’un épisode hebdomadaire d’une page. Ainsi, une case en position A1 annonce et présente un événement que le lecteur va lire et voir en direct, tandis qu’une case en D4 va laisser le lecteur en attente de l’épisode suivant, créant un effet de suspense, une fausse piste ou un gag. 

La plupart des journaux qui apparaissent dans les Aventures de Tintin sont fictifs, à l’exception du Journal de Genève que le Capitaine tient à la main à la page 43 de L’Affaire Tournesol

et qui a existé de 1826 à 1998 avant de fusionner avec un autre pour devenir Le Temps.

De l’Echo Illustré que l’on voit dans L’Affaire Tournesol en page 42. Hebdomadaire dans lequel paraissait les Aventures de Tintin et dont le rédacteur en chef, sur demande de Hergé, Jean Dupont, effectuera des repérages pour L’Affaire Tournesol, dont une partie de l’aventure se déroule en Suisse.

et du journal Le Soir de Bruxelles dans la dernière image de Vol 714 pour Sydney,

sans oublier Le Petit Vingtième qui apparaît à la première page de Soviets.

Celui qui revient le plus souvent est La Dépêche, journal probablement fictif dont le nom est assez neutre pour être passe-partout .

D’autres sont suffisamment transparents pour être instantanément reconnaissables, comme le Paris Flash des Bijoux. Quant au Tempo di Roma qui apparaît dans le même album, c’est sans doute une invention pour le différencier de Il Tempo, fondé à Rome en 1944.

Cette publication a été réalisée à partir d’un article de  Catherine Delesse parue sur le site Palimpeste : https://journals.openedition.org/palimpsestes/838