AUTOUR DE HERGÉ : JOSETTE BAUJOT, LA COLORISTE (1920 – 2009)

Le 2 novembre 1953, Josette Baujot née Josette Marie Louise Nondonfaz à Spa, Belgique, est engagée aux Studios Hergé. Dans le registre du personnel, à la rubrique « nature exacte des fonctions », il est indiqué : peintre. C’est pourtant en qualité de coloriste qu’elle va rester durant 26 ans au sein de l’atelier du maître de la ligne claire.

 

Ses qualités professionnelles vont rapidement faire d’elle la principale responsable de ce département essentiel dans l’élaboration des planches des Aventures de Tintin et des autres séries créées par Hergé. Surnommée affectueusement par son patron « La révérende mère du très Saint Coloriage », Josette Baujot va exercer ses nombreux talents auprès du père de Tintin, mais sera également chargée de la mise en couleurs de certains albums de Jacques Martin (Alix), d’Edgar Pierre Jacobs (Blake et Mortimer) et de Bob de Moor.

 Josette Baujot nous a quittés le 13 août 2009

Figure peu connue du grand public mais ô combien importante dans l’entourage de Hergé, Josette Baujot était en effet la coloriste en chef des Studios Hergé de 1954 à 1979.

Redoutée et appréciée pour son caractère franc et direct, elle était le seul membre de l’équipe à oser tenir tête à Hergé. Pour l’immortaliser, Hergé avait même choisi de la caricaturer à travers le personnage de Josette Laijot dans l’album inachevé Tintin et l’Alph’art.

Hergé, Josette Baujot, Monique Laurent. Studios 1955

Le premier travail de Josette Baujot au sein des Studios Hergé fut la colorisation de la première édition en couleur des « Cigares du pharaon ». Elle a également donné ses superbes couleurs à la fusée à damiers de « On a marché sur la Lune ».

Josette Baujot avait toute la confiance d’Hergé pour donner de la couleur à ses histoires. Quant aux célèbres cartes de vœux d’Hergé, ces pièces de musée qui s’arrachent aux enchères, ce sont en fait, pour la plupart, des œuvres d’art à part entière de Josette. Mais elle n’en tirait aucune fierté. Elle préférait réserver son célèbre franc-parler pour défendre Hergé dans les procès d’intention qui auraient pu l’entacher.

Elle avait rencontré son futur compagnon, le dessinateur Jo-El Azara, en juillet 1954, dans les couloirs des studios Hergé à Bruxelles. Lui, jeune dessinateur timide de 17 ans, cherchait un stage. Elle lui a ouvert la porte, lui a enseigné le français, lui a appris les bases et la rigueur du phylactère puis l’a invité à la rejoindre quand elle s’est installée définitivement dans le Gers. C’était en 1979, elle venait de tirer un trait définitif sur sa carrière aux côtés d’Hergé.

Ce dernier, malade, n’avait plus de pain sur la planche à offrir à sa coloriste et son « Alph-art » ne décollerait jamais des tiroirs.

Jo-El Azara, lui, avait pris son envol dès 1961, un peu lassé de n’être qu’un élément du décor. Hergé ne supportait pas qu’on touche à ses personnages. En revanche, Jo-El Azara peut revendiquer la paternité de la gare de Genève dans « L’Affaire Tournesol » ou l’intégralité des téléphones représentés dans « Les Bijoux de la Castafiore »…Et on téléphone beaucoup dans cet album.. plaisante-t-il.

Portrait de Hergé par Josette Baujot

Josette Baujot était aussi une portraitiste de grand talent : « Outre la ressemblance flagrante des personnages qu’elle dessinait, elle leur donnait vie à travers leur regard, c’est important », souligne Jo-El Azara,

LE TEMOIGNAGE DE JO-EL AZARA, son compagnon, dessinateur de

bandes dessinées de talent, créateur, entre autres, du personnage et des aventures de TAKA TAKATA :

Dès son arrivée aux Studios (1953), HERGÉ lui fit immédiatement confiance. Pour peu qu’elle respectât les indications de couleurs pour les personnages principaux, elle avait toute liberté de choix pour les autres. Josette avait mis au point une charte graphique de couleurs raffinées qui ont donné un « ton » à TINTIN et dont ont bénéficié les dessinateurs Edgar Pierre Jacobs

(Blake et Mortimer) et Jacques Martin (Alix). Pour ceux-ci, elle a également réalisé les couleurs de plusieurs albums et pour Bob De Moor (Cori le Moussaillon), elle a fait les crayonnés des têtes des Inquisiteurs dans L’Invincible Armada.…Et dire que son nom n’a jamais été mentionné dans les albums auxquels elle a participé !

Josette a fait ses études à l’Académie des Beaux-Arts à Liège auprès d’un maître, ancien lauréat du Grand Prix de Rome. Elle s’est spécialisée dans le portrait. Elle maîtrisait toutes les techniques, huile, gouache, aquarelle, fusain, grands et petits formats, sa peinture était tantôt léchée…tantôt enlevée…mais toujours expressive. Le plus extraordinaire, c’était la ressemblance et surtout l’intensité du regard qui donnait vie aux portraits. Ainsi, chaque fois que je passe devant le portrait de ma mère, j’ai l’impression que celle-ci va me parler ! Quand Josette faisait poser ses modèles, elle entamait une conversation pour les mettre à l’aise, ce qui lui permettait ainsi de mieux capter leurs expressions et leur regard. Josette disait toujours que les yeux étaient le reflet de l’âme.

Quand elle a cessé de faire des portraits, je l’encourageais souvent à s’y remettre. Elle me répondait, non sans humour et avec la modestie qui la caractérisait : Oh, tu sais, avant moi, il y a eu Holbein…(*) De toute manière, elle nous a suffisamment démontré qu’elle était non seulement une excellente coloriste, mais également une portraitiste hors pair…

Cette photo de 1955, prise aux Studios Hergé rassemble de gauche à droite :

  • Baudouin van den Braden (secrétaire de Hergé à l’époque)
  • Josette Beaujot
  • Jacques Martin
  • Hergé
  • Bob de Moor
  • Monique Laurent
  • Roger Leloup
  • Michel Desmarets
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