HERGÉ ET LA LANCIA AURELIA B20 GT : SANS DOUTE SA VOITURE PRÉFÉRÉE

« Ma qué, je vais vous montrer que les voitoures et les condouctorés italiens, ils sont les meilleurs du monde. Avanti ! A la poursouité dé Tournesolé mio ! ».

Cette harangue prononcée par le signore Arturo Benedetto Giovanni Giuseppe Pietro Archangelo Alfredo Cartoffoli dé Milano … à la page 36 de L’Affaire Tournesol a inscrit à jamais la Lancia Aurelia dans la mémoire des tintinophiles et bien au-delà. Morceau de bravoure automobile parmi tant d’autres dans cet album paru en 1956, la séquence du coupé B20 GT rouge s’élançant hardiment aux trousses des ravisseurs du professeur – qui seront rattrapés illico presto grâce au talent du conducteur transalpin allié à l’efficacité de sa puissante monture – reflète l’estime en laquelle Hergé tenait les belles voitures italiennes, et particulièrement les Lancia.

L’Affaire Tournesol, qui paraît un an après le lancement du coupé Aurelia B20 GT, témoigne aussi de l’aura que cette Lancia « gran turismo » avait acquis dès sa présentation au Salon de Turin.Version sportive de la hiératique berline Aurelia, apparue en 1950, la B20 est aussi l’héritière de l’Aprilia d’avant-guerre (que conduit le reporter à la fin de Tintin au Pays de l’Or noir lorsqu’il part à la poursuite de l’infâme Müller et qu’avait aussi possédé Hergé en 1950, voiture avec laquelle il eut un accident dont fut victime son épouse Germaine au niveau de la jambe, ce qui l’handicapa gravement), elle figure comme l’un des grands classiques de l’automobile italienne des années 1950.

Le confort d’une grande bourgeoise

Sa ligne, tout d’abord, en impose par son élégance et sa retenue. Ce coupé dessiné par Ghia (mais fabriqué chez Pininfarina) n’a rien d’exubérant ; ses surfaces délibérément épurées, sa lunette arrière très inclinée et sa face avant au classicisme éprouvé que seuls viennent bousculer deux feux antibrouillard dégage même un certain rigorisme. Cette beauté austère est mise au service du concept de « grand tourisme » que des marques telles que Lancia mais aussi Maserati forgeront avec maestria dans les années d’après-guerre.

L’Aurelia, qui doit son nom à la fameuse voie romaine longeant la Méditerranée, allie les performances d’une sportive au confort d’une grande bourgeoise. L’intérieur apparaît tout aussi sobre que l’extérieur.

Détail qui n’a pas échappé à Hergé, le volant cerclé de bois est installé à droite, comme il se doit pour une GT pur jus.

Pas plus de 860 des 3 871 exemplaires du coupé B20 produits de 1951 à 1958 disposeront de la conduite à gauche. Le levier de vitesse est installé sur la colonne de direction et deux gros compteurs creusés dans le tableau de bord suffisent à informer le conducteur sur le fonctionnement de la mécanique qui brille par son originalité.

Des versions survitaminées

Destinée aux esthètes, l’Aurelia a installé un six-cylindres en V sous son long capot. Un choix franchement atypique, à l’époque. Avant elle, il n’y a guère d’automobiles de série à avoir opté pour un V6. Celui conçu par Lancia est en aluminium, ouvert à 60 degrés, et sa cylindrée d’abord fixée à deux litres pour 75 ch sera portée par la suite à 2,5 litres et développera jusqu’à 118 ch.

Incontournable, la B20 collectionne les succès en compétition en lançant sur les circuits des versions survitaminées dont le freinage, point faible des GT de la grande époque, a, espérons-le, été amélioré. En 1951, au volant de l’une d’elles, l’Italien Giovanni Lurani « monte » aux 24 Heures du Mans par la route, remporte la catégorie des 2-litres et s’en revient tranquillement en Italie par le même chemin.

Voiture de la jet-set (Gary Cooper ou le prince Rainier de Monaco se laisseront tenter), le coupé Aurelia B20 se limitera à une production limitée mais suffisante pour faire de Lancia une marque de haut de gamme des années 1950, vocation que la décennie suivante confirmera avant que s’engage une longue période de décadence.

Tintin et Milou, illustration à la mine de plomb pour l’étude de la Lancia en page 36 à 39 de l’épisode « L’Affaire Tournesol » publié aux Editions Casterman en 1956. Etude dynamique de la Lancia du Signor Arturo Benedetto fonçant en pleine campagne pour une spectaculaire poursuite de la Chrysler ayant servi à l’enlèvement du professeur Tournesol. Ce dessin est probablement de la main de Jacques Martin. Dimensions : 29 x 17.

Le goût d’Hergé pour les belles choses ne se limitait pas aux vêtements. Il aimait aussi, et notamment, les belles voitures. Il adorait la vitesse. « Ses voitures avaient longtemps été des sportives, nous dit Peeters, à la limite de la catégorie bolides. Il aimait conduire très vite, parfois sur des anneaux ou des pistes de performance » Il a dessiné dans Tintin au pays de l’or noir la Lancia Aprilia au bord de laquelle il aurait quelques années plus tard un grave accident qui laisserait Germaine boiteuse à vie.

HERGÉ ET TINTIN : TOUS DEUX GRANDS AMATEURS D’AUTOMOBILES

Le goût d’Hergé pour les belles choses ne se limitait pas aux vêtements. Il aimait aussi, et notamment, les belles voitures. Il adorait la vitesse. « Ses voitures avaient longtemps été des sportives, nous dit Benoit Peeters, à la limite de la catégorie bolides. Il aimait conduire très vite, parfois sur des anneaux ou des pistes de performance » Il a dessiné dans Tintin au pays de l’or noir la Lancia Aprilia au bord de laquelle il aurait quelques années plus tard un grave accident qui laissera sa première épouse, Germaine Kieckens boiteuse à vie.

Hergé a toujours été un grand amoureux des véhicules automobiles, au point d’acheter les modèles qui lui plaisaient le plus dès qu’il en a eu les moyens. Si l’on compte 79 modèles reproduits dans les aventures de Tintin, seuls 3 voitures ont été acquises par Hergé :

une Opel Olympia (Le Sceptre d’Ottokar)

une Lancia Aprilia (Tintin au pays de l’Or Noir), qualifiée par Hergé de « vraie automobile ».

une Porsche 356 bleue (Coke en stock),

Les deux premières ont eu le privilège d’être conduites par Tintin, contrairement à la Porsche 356 qui a fait une apparition discrète dans la dernière vignette du rassemblement automobile du « Volant Club » de Coke en stock. En revanche pas d’apparition de l’Alfa Roméo dans les albums, pourtant Hergé en a possédée une comme le prouve la photo ci-dessous :

Hergé au volant de sa Lancia Aprilia (1950)
UN GRAND SOUCI DE RÉALISME

Hergé a collaboré de 1937 à 1939 avec La revue Ford, publiée en Belgique. Et dès les premiers albums, Hergé s’est préoccupé de dessiner les voitures avec un grand souci de réalisme documentaire : rappelez-vous de la célèbre Ford T dans Tintin au Congo, et de la Lincoln Torpedo Grand Sport dans les Cigares des Pharaon. Mais c’est à partir du Lotus Bleu qu’Hergé reconnait s’être amusé à reproduire le plus fidèlement possible les automobiles. L’automobile fait partie du domaine du rêve pour Hergé : ayant peu de moyens au début de sa carrière, Hergé a pu voyager… et essayer par procuration de nombreux modèles à travers les aventures de son personnage. Mais il faut signaler que Tintin a rarement été propriétaire de ses voitures : seules la Ford T (Tintin au Congo) et l’Amilcar CGS (Tintin au pays des Soviets) ont été acquises par Tintin, mais ces voitures n’ont joué qu’un rôle pratique : Tintin ne les a achetées que pour un voyage bref et déterminé.

Mises à part ces deux exceptions, Tintin ne sera plus jamais propriétaire, mais fera usage d’une multitude d’automobiles, à la fois en tant que chauffeur et passager, libre ou captif. Mais il usera toujours de l’auto par pure nécessité, contrairement à son auteur qui conduisait par pur plaisir. La voiture est donc un outil indispensable pour poursuivre les méchants ou s’échapper, que Tintin utilise la voiture d’un ami (voir Pablo qui lui prête sa superbe Rosengart dans l’Oreille Cassée, pour qu’il puisse s’échapper de la prison de San Theodoros), appelle un taxi (Tintin prend un taxi à l’œil dans Le Crabe aux pinces d’Or, en faisant croire que Milou a la rage !) ou fasse de l’auto-stop. Souvenez-vous notamment du moment où Tintin et Milou voyagent à bord d’une caravane Eccles… tractée par une Triumph Herald (L’Ile Noire) ! La caravane se détache et atterrit dans un pommier et une mare… sous l’œil d’un bobby dressant un PV au héros !

L’automobile est une alliée indispensable à Tintin, et on peut même affirmer qu’elle a façonné le personnage : sa célèbre houppette est due à un démarrage en flèche dans l’album Tintin au pays des Soviets, mèche rebelle qui ne l’a jamais quitté, symbolisant un adulte responsable avec une âme d’enfant.

 

 

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2 commentaires


  1. …au volant, c’est une Aurelia Berline, type B12
    Cordialement

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