Marie-Louise, dite « Milou », le premier « Grand Amour » de Hergé

C’est semble-t-il en 1918 (alors qu’il n’a que 11 ans) que Hergé rencontre Marie-Louise Van Cutsem, surnommée Milou, diminutif de Marie-Louise. C’est d’ailleurs ce nom que donnera quelques années plus tard Hergé au fox terrier qui accompagnera le petit reporter chez les Soviets, en mémoire du surnom affectueux donné à.… sa première petite amie.

Il offre à Marie-Louise (de 2 ans plus âgée que lui) un carnet de poésie qu’il s’empresse d’orner d’un premier dessin : un coq-paon qui se fâche à l’encontre d’un gros lapin à cause d’un œuf cassé. Avec la dédicace suivante :

« À ma petite amie Marie-Louise, Georges Rémi, 1918 »

Qui témoigne de leur affectueuse proximité.

Ce dessin n’est pas à proprement parler le premier dessin connu d’Hergé – Philippe Godin a retrouvé des dessins antérieurs, mais qui s’apparentent plus à du gribouillis – mais c’est le premier vrai dessin connu du créateur de Tintin. Il avait été découvert par Hervé Springael, un chercheur bruxellois, spécialiste de Hergé, auteur du livre « Avant Tintin ».

Le père de Marie-Louise, Paul Van Cutsem est un ami d’Alexis Remi, (père de Hergé) c’est un décorateur reconnu qui travaille avec Victor Horta (célèbre architecte belge, chef de file incontesté des architectes Art nouveau en Belgique). Irma, la maman de Marie-Louise est une comtesse déchue pour cause de mésalliance.

 Georges surnomme Marie-Louise : « Milou » et Marie-Louise surnomme Georges : « Géo » et le dimanche leurs deux familles vont se promener sous les frondaisons du bois de la Cambre et se lient d’amitié et les familles partent souvent ensemble en week-end à la Côte belge.

En 1920, à l’âge de 13 ans, Hergé dessine une nouvelle illustration dans le carnet de poésie de Milou : c’est « le portrait d’un homme, d’un soldat qui affirme sa virilité en étant gradé et en fumant la pipe » Il s’est inspiré pour le réaliser d’une carte postale anglaise dont une série (présentant des portraits de militaires britanniques dans diverses attitudes) lui avait été offerte par son oncle Léon.

Cette fois la dédicace ne s’adresse plus à sa « petite amie » mais à sa « chère amie »… nuance !

Les années passent et en en 1923 les Cutsem et les Remi se retrouvent pour une partie des vacances à Ostende au bord de la mer. Les deux adolescents sont souvent ensemble et on les voit souvent côte à côte sur les photos prises à cette époque (voir à ce propos le livre de Philippe Goddin : « Hergé, Lignes de vie » et sa très étonnante iconographie)

Georges Remi commence petit à petit à se faire un nom grâce à ses illustrations dans le « Boy Scout Belge » et « Le Blè qui Lève ».

En 1924, il termine brillamment ses études : premier de la classe avec une note de 83 sur 100. Il accumule les prix : mathématiques, sciences commerciales, langue anglaise, etc… Mais en dessin il obtient un piteux 9/20 et l’appréciation de son professeur, l’abbé Proost : « Remi peut faire mieux…Il ira loin, c’est un grand dessinateur… mais il doit faire ce qu’impose le programme ». Déconvenue d’autant plus grande pour Hergé que son frère Paul, décrochera, lui, un premier accessit en dessin !

UNE TERRIBLE DÉCEPTION…

Tout semble aller bien dans le meilleur des mondes mais… une terrible déception sentimentale l’attend : Marie-Louise, la « Milou » qu’il aime et dont il a la certitude d’être aimé en retour est contrainte de lui avouer que leur idylle déplaît désormais à ses parents. Un modeste employé ne saurait être le gendre dont Paul Van Cutsem et Irma Van Uytfanck de Potter rêvent pour leur fille. Et, paradoxalement, c’est surtout la maman de Marie-Louise (celle qui avait pourtant sacrifié son rang par amour) qui se montre la plus hostile. À ses yeux :

« ce garçon est tout juste bon à couvrir les nappes de petits dessins, et à noircir des ronds de bocks, il n’a aucun avenir »

La Messe est dite. Milou est fermement invitée à cesser de fréquenter le futur Hergé.  Loin de se révolter comme le fit sa mère, elle se résignera et il ne viendra pas à l’idée de Hergé de l’inciter à se rebeller. Il se sent profondément humilié, mais il n’a que 17 ans et il s’efface. Ironie du sort, quelques mois après, dès la fin d’année 1924, Georges Rémi prend le nom de R.G ou Hergé, peut-être pour oublier son jeune passé.  L’année suivante, il entre au XXème siècle chez l’abbé Wallez dont la secrétaire s’appelle Germaine Kieckens qui deviendra en 1932 sa première épouse.

DES RETROUVAILLES 27 ANS APRÈS !

Mais, comme pour tous les Amours de Jeunesse, jusqu’à sa mort, Hergé restera profondément attaché à Marie-Louise et jusqu’en 1939 date à laquelle Marie-Louise Van Cutsem partira pour l’Afrique avec son mari, Hergé fera parvenir un album des Aventures de Tintin à son amour de jeunesse. Mais il se retrouveront… le 11 septembre 1952, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, aux Journées de l’Enfance. Alors que Hergé, aux côtés de Willy Vandersteen, Bob de Moor et Paul Cuvelier, est en train de dédicacer ses albums, il repère un visage Ô combien connu. « Milou » s’écrie-t-il- en quittant précipitamment sa chaise… Oui, c’est bien elle venue lui faire signer un album, 27 ans après être sortie de sa vie.

Que se sont-ils dits ce jour là ?……

Enfin, lorsque le 30 avril 1974, un coup de téléphone de la belle fille de Marie-Louise, lui apprend le décès de Milou, Hergé (absent de Bruxelles et ne pouvant se rendre aux funérailles) fera parvenir un message de condoléances à la famille van Uytfanck-Van Cutsem… Ce message lui revient à deux reprises, l’adresse n’était plus la bonne….

Décidément, sa relation avec Milou aura été contrariée jusqu’au bout ! 😒