SCEPTRE D’OTTOKAR, LES NOTES PRÉPARATOIRES DE HERGE : UNE VERSION DIFFÉRENTE !

 

Le Sceptre d’Ottokar a débuté sa publication le 4 août 1938 dans « Le Petit Vingtième », mais Hergé a commencé à penser à cette aventure à l’automne 1937 alors qu’il continuait L’Ile Noire. Dans son cahier il prend des notes, et fait part de ses idées à son ami Philippe Gérard :

« …un sceau, un état coupé en deux par une frontière : La Syldurie (Oui, initialement c’était le nom choisi par Hergé) et la Bordurie, un appareil photo espion dissimulé dans une montre-gousset, une trappe actionnée par un pilote d’avion pour se débarrasser de Tintin…« 

Qui plus est, l’abdication en décembre 1936 du souverain anglais Édouard VIII (afin de pouvoir convoler avec Wallis Simpson, une mondaine américaine qui avait divorcé de son premier époux et était en instance de divorce d’avec le second), inspire les deux hommes. Ils imaginent que suite à la disparition sans descendance de son souverain, la Syldurie s’apprête à couronner sous le nom d’Ottokar IV, son neveu et héritier légitime, qui est très apprécié. Exilé en Bordurie, et fort impopulaire, le descendant d’une ancienne famille régnante syldure, le Prince Karramellovitch (encore un nom humoristique tel que Hergé les affectionnait) revendique le trône.

Les « puissances centrales  » le soutiennent, espérant ainsi s’assurer le monopole de l’exploitation des mines de Callistène (Hergé précise : « … ce minerai, récemment découvert par un certain Callis, pourrait modifier toutes les méthodes de guerre » – Finalement l’idée ne sera pas retenue mais resurgira dans L’Étoile Mystérieuse). Les partisans de Karramellovitch sont organisés en société secrète et ont pour cri de ralliement une interjection bruxelloise, en vogue dans les bistrots : « Khem döst » (J’ai soif !). Notons qu’en ce qui concerne le cri de ralliement des comploteurs, Hergé avait aussi pensé à « Rohlzy Mopzy » en référence aux rollmops, les filets de harengs au vinaigre, tant appréciés en Belgique.

Philippe Gérard apporte sa contribution aussi. Dans une lettre à Hergé le 18 avril 1938, il joint un feuillet consacré à ce qu’il appelle « Le département Syldure » et voici ce qu’il propose :

Alors que Tintin est dans sa chambre d’hôtel, une nuit d’orage

« … Soudain, toutes les pièces de métal de la chambre se ramollissent et s’allongent (…) prenant l’aspect et la consistance du caoutchouc. Tintin veut ouvrir la porte mais la poignée s’étire (…) On le délivre, ainsi qu’un voisin, qui (…) revient de Syldurie, où il a découvert le gisement d’un nouveau corps radioactif : le Kalistène qui sous l’effet d’un courant électrique convenablement appliqué ramollit les aciers les mieux trempés…« 

Cela ne vous rappelle rien ? Le « Métomol » de Franquin…

Je vais m’arrêter là car je suis en train de piller outrageusement toutes ces informations dans le remarquable ouvrage de Philippe Goddin : « HERGÉ, Lignes de vie » dont je ne cesse de vous recommander la lecture….

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SYLDAVIE ET BORDURIE : LA FAUSSE EXPLICATION

Pendant de nombreuses années certains exégètes de l’œuvre de Hergé ont affirmé que ce n’était pas lui qui avait trouvé les noms de Syldavie et Bordurie. Ils en voulaient pour preuve un ouvrage publié en 1937 par un certain Lewis. F. Richardson et intitulé « Eneralized Foreign Policy ». Dans ce volume, (de 800 pages) Richardson étudiait systématiquement le problème de la course aux armements et c’est pour rendre sa démonstration plus claire qu’il créa 2 pays imaginaires : la Syldavie et la Bordurie.

Dans l’ouvrage de Richardson, ces deux contrées ne sont, en fait, que de pures abstractions, sans configuration géographique, sans histoire et sans idéologie nettement définie. Il ne s’agissait pour l’auteur que de poser les bases d’un raisonnement théorique.

 Or, tout cela est faux :

  • D’abord parce que l’ouvrage n’est paru qu’en 1939, soit après la publication du Sceptre d’Ottokar qui avait commencé le 4 août 1938
  • Ensuite parce que Jacques Hiron qui s’est donné la peine de lire les 800 pages du livre a pu constater qu’il ne s’agissait pas de la Syldavie ni de la Bordurie mais du « Jederland (pays de l’un) et du « Andersland » (pays de l’autre). Jacques Hiron comprend alors que c’est lors de la traduction de l’ouvrage en 1960 qu’ont été choisis les noms de Syldavie et de Bordurie, des noms sans doute considérés comme plus « parlants » pour les lecteurs francophones

 

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