EN SAVOIR PLUS SUR HERGÉ ET CŒURS VAILLANTS

Les Aventures de Tintin furent d’abord publiées dans Le Petit Vingtième, supplément au journal Belge Le XXième Siècle. C’est le journal Cœurs Vaillants qui, le premier, fait découvrir Tintin  dans la France de 1930. C’est aussi la revue Cœurs Vaillants qui publiera dès 1936 les premières éditions de la série Jo, Zette et Jocko. 

UN PEU D’HISTOIRE

C’est le 24 décembre 1918 que l’abbé Jean-Émile Anisan, qui a acquis la conviction que des prêtres doivent se spécialiser pour rencontrer le milieu prolétaire des “banlieues rouges”, fonde “L’Institut des Fils de la Charité”. C’est ainsi que naîtra ensuite L’Union des Œuvres qui regroupera, 10 ans après, en 1928, 3 000 œuvres dans toute la France : patronages, œuvres de jeunesse,  cercles d’ouvriers et d’employés, associations professionnelles et syndicales, etc…En 1928, son secrétaire général, l’abbé Bard, fait le projet d’un journal destiné à la France entière pour unir les patronages et les sortir de leur isolement. Il s’adjoint les services de l’abbé Gaston Courtois, un autre “Fils de la Charité” de 30 ans, et le charge de la réalisation d’un journal pour garçons.

Ce sera “Cœurs Vaillants” un magazine hebdomadaire dont le premier numéro sort le 8 décembre 1929 (jour de la fête de l’Immaculée Conception). La devise choisit par le journal est : ”A  Cœurs Vaillant, rien d’impossible”. Le journal est de grand format, imprimé en 2 couleurs, avec un prix modique de 0,25 F. Pour ce premier numéro, son tirage est de 30 000 exemplaires.

L’abbé Courtois, qui prend le pseudonyme de Jacques Cœur, y participe activement en rédigeant de nombreux articles. En 1930, il se rend à Bruxelles pour rencontrer un autre ecclésiastique : l’abbé Wallez, qui dirige le quotidien catholique “Le XXéme Siècle” et dont le supplément hebdomadaire “Le Petit Vingtième”, dirigé par Hergé, publie les Aventures de Tintin. L’abbé Courtois obtient ainsi l’exclusivité de Tintin dans la presse française.

Dès le 26 octobre 1930 (n° 47), Tintin et Milou font leur entrée pour la première fois au sommaire de l’hebdomadaire catholique avec les Soviets.

précisons qu’au départ Hergé eut quelques difficultés avec les responsables de Cœurs Vaillants qui n’hésitaient pas à rajouter des textes sous les cases de Hergé pour expliquer l’action. Les photos ci-dessous, extraites de la parution de Les Aventures de Tintin chez les Soviets dans Cœurs Vaillants en sont un exemple :

Signalons que quelques mois avant (à partir du n° 35 du 3 août 1930) Hergé y a illustré -mais non signé- un roman : “Le triomphe de l’Aigle Rouge” déjà publié dans “Le Petit Vingtième”.

Cette collaboration entre Cœurs Vaillants et Hergé durera jusqu’en 1949. Toutes les aventures de Tintin, jusqu’au Temple du Soleil, paraîtront dans Cœurs Vaillants. Ce qui contribuera non seulement au succès de Cœurs Vaillants mais aussi très largement à la notoriété de Hergé et de Tintin en France et dans les colonies françaises de l’époque.

En 1933, Cœurs Vaillants, avec plus de 100 000 exemplaires par semaine s’impose comme l’organe d’un véritable mouvement. Ses lecteurs choisissent un uniforme (un insigne, une chemisette marron, un foulard vert et orange) et un fanion.

En 1935, ennuyés par les origines ”obscures” de Tintin (ce héros sans père ni mère n’était pas suffisamment représentatif de la famille française bien catholique), les “Bons Pères” qui présidaient aux destinées de l’hebdomadaire demandent à Hergé de concevoir une “série plus familiale, avec un papa qui travaille, une maman, une petite sœur, un animal familier” . C’est ainsi que naîtront Jo et Zette, de vrais enfants (avec de bonnes têtes d’enfants sages et des vêtements bien repassés). Avec aussi, bien évidemment de vrais parents : Monsieur et Madame Legrand. (lui est ingénieur à la Société Anonyme Française de Constructions Aéronautiques, et elle, une honnête mère de famille que l’on voit souvent folle d’inquiétude au téléphone). Le rôle de l’animal familier sera tenu par le singe Jocko.  Leur première aventure :  “ Le Rayon du Mystère” commencera à paraître dans “Cœurs Vaillants” le 19 janvier 1936 et durera jusqu’en juin 1937.

A propos de la participation de Hergé, signalons encore que Cœurs Vaillants publiera des gags de Quick et Flupke, rebaptisés Quick et Jo.

La revue éditera aussi des films fixes de Tintin sous le label “Fixus-Film” et  “Les beaux Films pour la jeunesse” qui seront projetés dans les patronages.

Enfin, Cœurs Vaillants publiera en 1934 (Chez OGÉO : Office Général des Œuvres) un album de Tintin en Amérique, de format légèrement plus petit que ceux édités par Casterman

 

Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris. Vichy devient capitale de la France, l’équipe de Cœurs Vaillants rejoint la zone non occupée et se fixe à Lyon où un imprimeur peut sortir le journal en 4 couleurs. C’est ainsi qu’apparaîtront (bien avant que Hergé ne les réalise) les premières mises en couleurs de Tintin. N’oublions pas que la première aventure de Tintin qui parut officiellement en couleurs fut L’Étoile Mystérieuse et elle ne fut éditée qu’en 1942, soit 2 ans plus tard ! Les mises en couleurs réalisées par Cœurs Vaillants seront d’ailleurs parfois très particulières : : Tintin avec une marinière, le Capitaine avec un pull rouge et non bleu, Milou avec… des taches brunes, etc…

Cette mise en couleurs a été effectuée à Lyon par une jeune étudiante de l’École des Beaux-Arts, recrutée spécialement par Coeurs Vaillants. Son travail est digne du plus grand intérêt quand on sait qu’elle n’avait jamais eu le moindre album couleurs entre les mains et qu’à cette époque de grande pénurie, se procurer du matériel d’arts graphiques n’était pas évident.

Bien que la diffusion de Cœurs Vaillants soit restreinte à la seule zone libre, elle atteint pourtant les 108 000 exemplaires. Un nouveau journal voit le jour, il s’agit de “L’édition rurale”, destiné “aux petits gars et petites filles  de France” qui reprend lui aussi les aventures de Tintin, sous des titres folkloriques : “Tintin dans la Brousse” pour Tintin au Congo et “Tintin chez les Indiens” pour Tintin en Amérique.

Pendant l’occupation, Cœurs Vaillants, se rangera au début du côté de Vichy, les références au gouvernement et au Maréchal y sont légion : on y encense la famille, le travail et la patrie. Le summum étant atteint dans le numéro 33 du 17 août 1941 avec un fascicule intitulé France Nouvelle Ci-dessus, à titre d’exemple, une carte postale éditée par Cœurs Vaillants le 29 août 1940, dont le texte est le suivant : Je sais que c’est avec vous que la France redeviendra ce qu’elle aurait toujours dû rester”. Signé du Maréchal Pétain. (Ce qui n’empêchera pas, le même journal, après la guerre, de louer l’action de la Résistance). 

Le 31 mars 1943, la Gestapo débarque à Paris dans les locaux de l’Union des Œuvres et pose les scellés. Le père Pihan est arrêté et emprisonné à Fresnes d’où il ressortira 3 mois après. Enfin arrive la Libération. Mais il faut attendre une autorisation de paraître et les journaux pour enfants ne sont pas prioritaires. D’autant plus que Cœurs Vaillants est marqué  par l’attitude de ses dirigeants pendant l’occupation. Au mois d’octobre 1944, un “remaniement” est effectué et l’abbé Courtois, jugé trop “maréchaliste” est remplacé par l’abbé Pihan, plus “présentable”. Durant toute l’année 1944, ce dernier essaye de faire reparaître Cœurs Vaillants. Mais en vain. Il est d’autant plus inquiet que le parti communiste lui, a pu lancer son hebdomadaire pour la jeunesse : “Vaillant” dont le nom prête à confusion.C’est donc pour détourner cette interdiction et rester présent sur le marché que paraîtront de juin à octobre 1945 4 fascicules de 12 à 16 pages portant le nom “Message aux Cœurs Vaillants”.

Ce n’est que le 19 mai 1946 que reparaît officiellement Cœurs Vaillants. Mais au cours des années 50, la diffusion baissera constamment. En 1957 la revue abandonne son grand format et en 1963, Cœurs Vaillants cédera la place à “J2 Jeunes” qui deviendra “Djin” en 1974, lequel se transformera en “Triolo” en septembre 1981, dont la parution cessera le 7 août 1993.

Cœurs Vaillants est aujourd’hui activement recherché par les Tintinophiles pour certaines particularités : les “bon Pères” n’hésitaient pas à mettre, dans un souci éducatif, des légendes sous les cases d’Hergé (à sa grand colère), à changer le texte de certaines bulles pour lui donner une connotation plus catholique, sans parler de mises en couleurs très “spéciales”.

Ces fascicules, surtout ceux datés d’avant 1945, sont particulièrement recherchés en raison de leur rareté, consécutive à leur caractère confessionnel et à leur diffusion ciblée.

HERGÉ, C’EST AUSSI : JO, ZETTE et JOCKO

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2 commentaires


  1. J2 Jeunes sera suivi de FORMULE 1. C’est J2 Magazine (suite d’Ames Vaillantes) qui donnera naissance à DJIN.
    Bien à vous.
    Pour la période de guerre, COeurs Vaillants dû faire de l’auto-censure dans quelques brochures car les Allemands avaient interdit tous les mouvements de jeunesse en France. Ainsi la brochure « A tous les gars qui ont du cran » a eu deux versions. La seconde parue durant l’Occupation a fait disparaître toute trace du mouvement de jeunes et même effacé quelques dessins.

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