JEAN d’ORMESSON : Je suis un grand admirateur de Tintin, je me réjouis toujours de ses succès. Tintin est devenu un personnage classique cité par le général de Gaulle et par tant d’autres. Je me le suis donné moi-même pour modèle. Mais ne va-t-il pas connaître le cruel destin des classiques?
La bande dessinée ne risque-t-elle pas à son tour de tomber dans une forme d’académisme ?
HERGÉ : Je ne sais pas si je suis classique ni même si je le serai -ça, c’est une autre question- mais j’ai l’impression que tout évolue et que la bande dessinée, comme le reste, va évoluer vers d’autres formes. Par conséquent, je risque de passer de mode. Il y a probablement une bande dessinée «classique», et puis d’autres qui ne laisseront pas de traces, comme pour la littérature, le cinéma ou la peinture. On trouve toujours une sorte d’académisme et puis arrivent des novateurs qui remettent tout en question et deviennent à leur tour classiques. C’est la chaîne sans fin.
Extrait d’un article de Véronique Laroche-Signorile paru dans Le Figaro Littéraire du 10-11 mai 1975.