QUAND TINTIN DÉCOUVRAIT LA MECQUE

On a coutume d’associer, un peu hâtivement, le nom de Richard Francis Burton à la « découverte » et à l’exploration de La Mecque et de Médine, mais bien avant lui des Européens s’étaient rendus dans les deux villes les plus saintes de l’islam. Le premier Européen à avoir laissé un témoignage écrit d’un voyage à La Mecque serait Ludovico di Varthema, un Italien natif de Bologne qui se rendit dans les villes saintes de l’islam en 1503 ou 1504.

Il semble qu’un autre Européen se soit rendu à La Mecque : c’est bien sûr Tintin !

Lorsqu’après avoir rencontré Rastapopoulos en train de tourner un film en plein désert, Tintin continue sa route le lendemain dans un désert de dunes et arrive enfin dans une ville : La Mecque. C’est ce que l’on découvre dans l’édition de l’album en noir et blanc de 1934 :

Et ce n’est plus le cas dans l’édition couleurs :

Dans la première édition, certaines « erreurs » sont à relever. Les minaret et l’enceinte de la ville où pénètre Tintin font surtout penser à quelque cité impériale marocaine, Fès ou Meknès. La méconnaissance de la topographie de La Mecque par Hergé n’étonne guère, en raison de la difficulté d’en obtenir des photos à l’époque. Elle est la source d’une erreur patente, qui fait sortir Tintin d’une ville fortifiée, alors que La Mecque a toujours été dépourvue d’enceinte, du fait de sa situation enchâssée dans des collines qui font fonction de murailles naturelles.

Autre erreur, Tintin court jusqu’à un avion parqué aux portes de la ville et s’enfuit à son bord, alors que la même caractéristique géographique rend impossible tout atterrissage ou décollage (c’est toujours le cas aujourd’hui : puisque La Mecque est desservi par l’aéroport international King Abdulaziz à Jeddah, distant de 90 kilomètres).

Enfin, les rues de la ville sont parsemées d’escaliers, comme la casbah d’Alger dont Hergé conservait une photo dans ses archives, alors que le centre de La Mecque est plat.

Fait notable, Tintin prend une identité arabe à La Mecque, sous le nom de Beh-Behr. Même s’il est promptement expulsé de La Mecque, cette performance fait de lui un pionnier. En quelques vignettes, Tintin complète ainsi de façon symbolique la conquête européenne du monde arabe. Il faut se garder d’y voir quelque esprit de mission, l’incursion de Tintin à La Mecque étant dépourvue de toute référence religieuse. Hergé ne pose à aucun moment la question, pourtant cruciale, de la religion, à laquelle il ne fera d’ailleurs jamais allusion dans son œuvre après Tintin au Congo. Si Tintin est condamné à mort et doit quitter La Mecque en détalant sous le feu adverse, c’est à la suite d’une accusation d’espionnage et non pour avoir transgressé l’interdit religieux. Tintin passe en fin de compte par La Mecque comme s’il s’agissait de n’importe quelle cité.

EN SAVOIR PLUS SUR RICHARD FRANCIS BURTON

Richard Francis Burton, né le 19 mars 1821 à Torquay et mort le 20 octobre 1890 à Trieste, est un érudit et polymathe britannique. Il est tour à tour officier militaire, escrimeur, explorateur, écrivain et poète, traducteur, linguiste, orientaliste, maître soufi, ethnologue, diplomate… Il mène une vie romanesque et voyage inlassablement sur tous les continents. Il parle 29 langues et 11 dialectes et, maîtrisant l’arabe, il est l’un des premiers Occidentaux à atteindre la Mecque le 11 septembre 1853, déguisé en pèlerin. Il en rapporte notamment des croquis et des mesures de la Kaaba.

Il parvient notamment à étudier la Pierre noire lors de ses sept tours de la Kaaba.

Ayant accompli le fameux pèlerinage, il put porter le titre de Hajji et eut le droit de porter un turban vert.

Cette publication a été largement inspirée par l’ouvrage de Louis Blin :

 

LE MONDE ARABE DANS LES ALBUMS DE TINTIN – Louis Blin – Préface d’Henry Laurens, Professeur au Collège de France – prix : 20€ environ

Louis Blin

Tintinophile multicarte (historien, ancien consul général de France à Alexandrie puis à Djeddah, engagé contre l’islamophobie) Louis Blin a récemment publié une seconde édition de son ouvrage Le Monde arabe dans les albums de Tintin (L’Harmattan).

Le monde arabe tient un rôle important dans les aventures de Tintin. C’est même le terrain de jeu préféré du héros, si l’on s’en tient au nombre de pages où il sert de décor à l’intrigue. Trois albums prennent place autour de la péninsule Arabique : Les Cigares du pharaon (1934), Tintin au pays de l’or noir (1950) et Coke en stock (1958). Un quatrième, Le Crabe aux pinces d’or (1941), se déroule en Afrique du Nord, notamment au Maroc, même si l’on y découvre des lieux qui n’ont jamais existé, comme ce port de Bagghar qui fait penser à la cité portuaire de Tanger.

L’Orient dessiné par Hergé semble vraisemblable, mais ne tient pas debout. Peut-être parce qu’il ne s’est jamais rendu personnellement dans la région et qu’il la croque en s’aidant de quelques photos et articles de presse. Ses villes, souvent inventées, sont parsemées d’éléments architecturaux génériques : minarets, ruelles pavées, portes en fer à cheval…

Les images extraites de l’œuvre de Hergé sont la propriété exclusive de MOULINSART SA.

© Hergé-Moulinsart 2018.

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