SAKAHARINE PRÊT À TOUT POUR COMPLÉTER SA COLLECTION

Cet étrange monsieur rencontré pour la première fois par Tintin au vieux marché est collectionneur de bateaux anciens ; comme tous les collectionneurs Ivan Ivanovitch Sakharine est capable de dépenser une fortune pour acquérir une pièce qui manque à sa collection. Ainsi, il propose à Tintin un prix sept fois plus élevé que celui du vieux brocanteur pour tenter de lui racheter la maquette de  La Licorne.

Cet étrange personnage surgit comme un diable au vieux marché dans la dernière case du strip paru dans le quotidien Le Soir du 19 juin 1942 consacré au « Secret de la Licorne ». Précisons que son nom : Sakharine lui vient de ce produit de remplacement, la saccharine qui faisait partie des fameux ersatz qui tenaient une grande place dans la vie quotidienne sous l’occupation. On apprenait ainsi à faire une mayonnaise sans œufs, avec de la moutarde, de la farine, de l’huile et beaucoup d’eau froide; et du café sans café, avec des graines de lupin, des châtaignes, des glands, des peaux de pommes séchées. On sucrait le café… sans sucre, avec de la saccharine qui n’est pas toujours de la saccharine, mais une décoction de bois de réglisse… Un article avait d’ailleurs été publié dans Le Soir à son propos.

Il porte une longue barbe noire et de petites lunettes C’est un collectionneur de bateaux anciens prêt à dépenser une fortune pour acquérir LA pièce qui manque à sa collection. Il détient d’ailleurs l’une des trois Licorne et tente avec acharnement, (concurrencé par Barnabé, le détective au service des frères Loiseau), de racheter celle de Tintin.

Il n’hésitera pas à relancer Tintin chez lui. Conséquence, quand, Tintin se fera voler sa propre Licorne, ses soupçons se porteront tout de suite sur Sakharine. Quelques cases plus loin, Sakharine se fera lui-aussi voler sa maquette par Barnabé, après avoir été endormi à l’aide de chloroforme.

Sakharine part ensuite en voyage et n’apparaîtra plus dans le récit ; on le retrouvera seulement à la dernière page du « Trésor de Rackham le Rouge » où il figure parmi les invités de l’exposition consacrée à La Licorne, organisée par le capitaine Haddock, dans la salle de Marine du Château de Moulinsart :

 

Preuve qu’il est resté en bons termes avec le capitaine Haddock et ses amis en acceptant de faire figurer son exemplaire personnel de La licorne lors de l’inauguration de la salle.

Il possède une importante série d’ouvrages relatifs à la marine à voile. Voici d’ailleurs une anecdote qui l’explique : 

Le samedi 4 juillet 1942, dans le journal Le Soir, Tintin rend une visite impromptue au collectionneur Ivan Ivanovich Sakharine. Sans plus attendre, un lecteur particulièrement attentif, Alexandre Berqueman, prend la plume pour dire sa façon de penser à Hergé. Vu les rapports amicaux qu’il entretient avec Hergé, il s’autorise même un peu d’ironie :

« …Voyons, Monsieur Hergé, écrit-il, votre collectionneur n’a pas une bien belle salle ! Et je n’y vois même pas « L’Art et la Mer » ! Au plaisir de vous voir bientôt, comme convenu ? « 

En effet, Depuis qu’il a entrepris l’aventure qu’il intitulera plus tard Le Secret de La Licorne, Hergé a eu régulièrement recours à Alexandre Berqueman, lequel est un passionné de la Mer. Grâce à la fortune qu’il a héritée de ses parents, qui s’étaient enrichis durant la Grande Guerre dans le négoce des métaux non ferreux, il vit pratiquement de ses rentes et s’adonne presque à plein temps à sa passion : collectionner les objets de marine. Paradoxalement, il n’a jamais navigué, mais dispose, entre autres biens immobiliers, d’une maison bourgeoise qu’il possède à Bruxelles dont il a fait couvrir la cour intérieure par une verrière pour disposer d’une spacieuse « salle de marine », où il expose ses trésors.

C’est d’ailleurs au dos de la carte postale qui représente cette « bien belle salle » qu’il vient d’écrire à Hergé. Ce dernier a, bien sûr, déjà eu les honneurs de ce musée privé, et a pu y admirer la collection de maquettes de navires que Berqueman a réunie, et qu’il a disposée parmi d’innombrables objets de marine – vestiges, reliques, livres, documents, dessins ou tableaux – qu’il affectionne.

Lorsqu’il encourt les reproches taquins de son ami Berqueman, Hergé connaît fort bien – et pour cause ! – l’ouvrage « L’Art et la Mer » que celui-ci a publié récemment à compte d’auteur : il en a été l’un des tout premiers souscripteurs. Richement illustré, ce vibrant plaidoyer pour la sauvegarde du patrimoine maritime belge n’est sorti de presse que le 20 juin, mais, comme on l’a vu, le dessinateur en avait déjà introduit des éléments dans son récit en cours.

Ce n’est apparemment pas assez, aux yeux de celui qui se qualifie en couverture du livre comme le « Promoteur de la Création du Musée National de Marine » ! Soit ! Se dit Hergé. Puisqu’il veut des références plus affirmées, il ne perd rien pour attendre ! Car ce que son correspondant ne pouvait deviner au moment où il s’adressait à lui, c’est qu’Hergé allait, ce jour-là, interrompre la publication des Aventures extraordinaires de Tintin et Milou, pour cause de maladie. Il profitera donc de sa convalescence pour tenter de satisfaire son ami, visiblement toujours en mal de reconnaissance. La publication du récit reprend son cours normal le jeudi 16 juillet. Dès le lendemain, Alexandre Berqueman découvre dans Le Soir de quoi pavoiser.  Non seulement son livre apparaît, bien en vue, parmi d’autres ouvrages de référence, sur la table de son « rival » Sakharine,

SAKHARINE ET HERGÉ… A LA SOLDE DES NAZIS !!! 

Au début de l’année 2001 est paru un brûlot d’une centaine de pages dégoulinant de haine contre Hergé. Son auteur, dont le nom importe peu et qui ne mérite même pas d’être cité ici, y fait preuve d’un acharnement outrancier pour démolir Hergé. Selon ce triste sire, Hergé lorsqu’il publiait Tintin dans le quotidien “Le Soir”, pendant l’occupation, était un suppôt du IIIe Reich et un propagandiste de la doctrine nazie.

Pour un plumitif sans doute en mal de notoriété, tous les moyens sont bons pour prouver qu’il a raison. Il s’est donc livré à un méticuleux décorticage du “Soir” pour nous apporter les preuves accablantes de la collusion entre Hergé et les nazis. Son épluchage systématique, orienté et de mauvaise foi, l’a ainsi conduit à l’analyse abracadabrante suivante concernant Yvan Yvanovitch Sakharine :

Hergé infiltre dans son scénario un “méchant” au nom russe et à l’allure “judéo-bolchévique”, longue barbe noire et nez crochu”.

La démonstration est limpide, n’est-ce pas : les nazis sont en guerre contre les Russes et n’aiment pas les juifs. Donc, Hergé, à la solde des nazis, crée tout spécialement un méchant personnage qui est tout à la fois juif et russe ! Peu importe si quelques cases plus loin Tintin innocente Sakharine et s’excuse de sa méprise !

Souhaitons qu’un jour cet auteur ne décide pas de s’attaquer à Peyo. On imagine le résultat : les Schtroumpfs accusés de véhiculer une idéologie “monarcho-pétainiste”.

Pensez donc : un village heureux, dirigé par un chef charismatique (le Grand Schtroumpf – heureusement que Peyo ne lui a pas fait prononcer la phrase maudite : “seule la schtroumpfe ne schtroumpfe pas !”) avec des citoyens bien ancrés dans leurs corporatismes (le Schtroumpf-patissier, le Schtroumpf-poète), etc…! 😏

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Un commentaire


  1. Comme à chaque fois: article hyper documenté avec pour une fois une petite pointe d’humour qui n’est pas pour me déplaire. Merci encore pour ces posts qui nous ravissent … et nous cultivent !

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