TINTIN – LASZLO CARREIDAS : TRICHEUR INVÉTÉRÉ

Rien dans sa triste apparence ne laisse supposer son immense richesse. Pourtant il est capable de dépenser sans compter pour acheter un Renoir ou un Picasso. Tel est Laszlo Carreidas dans Vol 714 pour Sydney

C’est clairement de Marcel Dassault, fondateur des entreprises du même nom, que Hergé s’est inspiré pour le personnage de Laszlo Carreidas. Il lui a beaucoup emprunté : sa silhouette, son chapeau, il n’a pas oublié non plus de le doter de l’écharpe en cachemire du vieil homme, l’accessoire vestimentaire qui entretenait la légende d’un personnage frileux, se méfiant du moindre courant d’air….

Même passion pour l’aéronautique (Dassault inventa notamment le Falcon, qui reste une référence pour les avions d’affaires), tenue vestimentaire passée de mode, lunettes cerclées de noir, cache-col quasi permanent : Hergé a sans aucun doute pensé à Dassault.

En effet, en fin d’année 1966, Hergé avait rendu une visite à Marcel Dassault. Pour quelle raison ? Le chasseur militaire Mirage III G, avion à géométrie variable dont l’étude avait commencé deux ans auparavant, venait alors d’accomplir son vol inaugural. Or, dans l’épisode qu’il avait entrepris, le père de Tintin souhaitait recourir à un jet privé supersonique à voilure variable, capable de se poser sur un îlot. Il espérait dès lors obtenir en direct, de la part de son constructeur, des informations sur cet avion.

Mais Hergé ne s’est pas inspiré que de Marcel Dassault. Carreidas se caractérise par sa pingrerie, alors que Marcel Dassault était plutôt généreux. Au contraire, on lui prête plutôt de grandes largesses lors de ses campagnes électorales et lorsqu’il soutint royalement l’élection de certains hommes politiques et mit ses journaux, dont jours de France, à leur service. Cette pingrerie, Hergé l’emprunta plutôt à Jean Paul Getty, un célèbre magnat du pétrole. Alors que sa fortune approchait les 4 milliards de dollars, ce dernier avait équipé sa propriété de Los Angeles de téléphones à pièces, dont ses invités étaient priés de se servir. De la même façon, il ne payait jamais sa note à l’hôtel Claridge’s de Londres, où il disposait pourtant d’une suite à l’année, et mettait un point d’honneur à laver lui-même ses vêtements, trouvant trop élevés les tarifs des teinturiers… C’est lui aussi qui devina, parmi les premiers, que le marché de l’art était l’une des voies d’investissement du futur. Comme Carreidas, qui ne sait plus quoi faire des tableaux de maître, mais préfère enchérir à n’importe quel prix plutôt que de voir les toiles aller à Onassis.

LE TRÈFLE À QUATRE FEUILLES DE MARCEL DASSAULT ET LE CARRÉ D’AS DE HERGÉ

Ce qu’on sait moins, c’est que ce nom de Carreidas (le carré d’As symbolise la chance) est une allusion au talisman de Marcel Dassault : le trèfle à quatre feuilles qui apparaîssait sur ses avions Voici l’explication que donne Marcel Dassault :

« En fait, au cours des vacances 1939, juste avant la guerre, en me promenant dans les champs, j’ai trouvé un trèfle à quatre feuilles que j’ai placé dans mon portefeuille. J’ai déjà dit qu’en arrivant à Buchenwald nous avions laissé nos bagages, nos vêtements et tout ce que nous possédions avant de passer à la douche. Or, à Paris, trois mois après mon retour de déportation, je reçus une lettre du ministère des Anciens Combattants et Déportés m’invitant à me rendre à un certain bureau pour recevoir des objets m’appartenant. Ce bureau se trouvait avenue Bugeaud. Contre ma signature, on me remit, à ma grande surprise, ma montre, mon stylo et mon portefeuille, et dans ce portefeuille se trouvait toujours mon trèfle à quatre feuilles. J’estime que retrouver à Paris un trèfle à quatre feuilles que j’avais été contraint d’abandonner à Buchenwald, c’est tout au moins un signe bienveillant de la Providence. Peut-être par-là mon trèfle mérite-t-il le qualificatif de Talisman ? »

QUI ÉTAIT MARCEL DASSAULT ?

Après des études d’ingénieur (électricité, puis aéronautique), il assoit sa réputation durant la Grande Guerre en concevant l’hélice Éclair, qui équipe l’appareil de l’as Georges Guynemer, et un chasseur en collaboration avec Henry Potez.

Dès les années 1930, il devient le premier constructeur aéronautique français, produisant des avions civils (notamment des trimoteurs « coloniaux » très robustes) et des bombardiers.

Trimoteur « Colonial »

Les Allemands le déportent en 1944 au camp de Buchenwald. Il en réchappe grâce à des militants communistes et ne l’oubliera jamais, acceptant les syndicats, notamment la CGT, comme un contre-pouvoir légitime dans son entreprise. A la Libération, Marcel Bloch a 53 ans. Il revient à Paris très affaibli par sa détention. Mais cet homme superstitieux, qui conserve dans son portefeuille un trèfle à quatre feuilles ramassé en 1939, croit encore à sa chance. Pour tourner la page, il adopte le patronyme de Dassault pour lui-même et sa société et repart à la conquête du ciel.

Jusqu’au milieu des années 1970, le constructeur vit son âge d’or. L’affrontement entre l’Occident et l’URSS alimente une course aux armements sur tous les continents et le carnet de commandes de Dassault se remplit. Au Mirage III, fabriqué à 1 400 exemplaires (en comptant le Mirage 5, qui en est dérivé) et vendu dans vingt et un pays (Espagne, Suisse, Israël, Pakistan, Australie, Argentine, Afrique du Sud…), succède le Mirage IV, le bombardier nucléaire de l’armée française, puis le Mirage F1, construit à 700 exemplaires et acheté par onze pays.

Le Mirage IV

Devenu un acteur majeur de l’aéronautique de défense, Marcel Dassault est l’un des premiers constructeurs d’avions qui entrevoit le potentiel du marché des jets d’affaires. Dès 1961, il commence l’étude d’un biréacteur pour huit passagers avec moteurs placés à l’arrière. Le Mystère 20 sort en 1964, suivant de près le premier jet d’affaires, le Learjet 23.

Le Mystère 20

2 ANECDOTES SUR LE PERSONNAGE

1936 : QUAND DASSAULT OFFRE UNE TROISIÈME SEMAINE DE CONGÉS PAYÉS… LES SYNDICATS REFUSENT !

À l’époque, il se singularise par sa fibre sociale teintée de paternalisme. Quand, en 1936, le Front populaire impose aux entreprises d’instaurer deux semaines de congés payés, il en concède une troisième et propose un intéressement aux bénéfices, que refusent les syndicats, alors opposés à toute forme d’association au capital.

UN SACRÉ MALIN…

Matois sous des dehors bonhommes, Marcel Dassault ne recule devant aucune astuce pour doubler la concurrence. Quand, à la fin des années 1950, un avionneur américain l’invite à la cérémonie d’inauguration d’un prototype d’avion de chasse, il dépêche pour le représenter un photographe et un journaliste de « Jours de France », le magazine concurrent de « Paris Match » qu’il a créé. À la fin de la cérémonie, le photographe demande s’il peut prendre des photos-souvenirs de son collègue devant l’avion. Les Américains acceptent, sans remarquer le manteau à petits carreaux porté par le journaliste. De cette façon, à partir des clichés, le bureau d’études Dassault recalculera en quelques jours les mesures exactes du prototype…

TINTIN VOL POUR SYDNEY : SPLADING RETROUVÉ !

VIDÉO: ANIMATION LE JET DE CARREIDAS

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