Oui, Spalding existerait. Il s’agirait d’un certain Jean Jacques Vergnaud, alias Yago, écrivain, peintre et journaliste aujourd’hui retraité.
UN PROCHE COLLABORATEUR DE MARCEL DASSAULT
Jean-Jacques Vergnaud a travaillé pendant près de vingt-cinq ans sous les ordres de Marcel Dassault, d’abord à l’éphémère journal 24 heures, ensuite au sein de la rédaction parisienne de Jours de France. Peu de gens savent que Jean-Jacques a joué un rôle dans les Aventures de Tintin. Pourtant, le gaillard ne s’est pas contenté d’y faire une simple apparition : il figure dans une bonne soixantaine de cases.
Une certaine complicité a existé entre Marcel Dassault et le journaliste. Jean-Jacques Vergnaud qu’il se trouvait dans le bureau de Marcel Dassault, au rond-point des Champs-Élysées, le jour où, en fin d’année 1966, Hergé lui a rendu visite. Le chasseur militaire Mirage III G, avion à géométrie variable dont l’étude avait commencé deux ans auparavant, venait alors d’accomplir son vol inaugural. Or, dans l’épisode qu’il avait entrepris, le père de Tintin souhaitait recourir à un jet privé supersonique à voilure variable, capable de se poser sur un îlot. Il espérait dès lors obtenir en direct, de la part de leur constructeur, des informations sur ces avions.
Ce jour-là, Hergé, dont la notoriété ne le cède en rien à celle de l’avionneur, est reçu par Marcel Dassault en personne… en présence de son jeune collaborateur. Il a donc en face de lui le célèbre ingénieur, petit homme d’un mètre soixante à peine, et un journaliste longiligne dont la taille dépasse les deux mètres. Le dessinateur ne manque assurément pas d’enregistrer cette image.
L’idée du gag visuel a dû surgir dans son cerveau de manière immédiate, puisqu’il aurait aussitôt demandé à Vergnaud si cela ne le gênerait pas de figurer dans l’album qu’il préparait. En quelque sorte il allait ressusciter le contraste du tandem formé par Laurel et Hardy. Nul n’ignore que dans Vol 714 pour Sydney, Hergé a représenté Dassault en Laslo Carreidas. Ce qu’on sait moins, c’est que ce nom est une allusion au talisman de Marcel Dassault : le trèfle à quatre feuilles qui apparaît sur ses avions.
Il n’a pas oublié non plus de le doter de l’écharpe en cachemire du vieil homme, l’accessoire vestimentaire qui entretenait la légende d’un personnage frileux, se méfiant du moindre courant d’air. Vergnaud, quant à lui, n’est autre que l’ignoble Spalding. En 1966, avoue-t-il, il avait tout du lord anglais : moustache de l’armée des Indes, costume en tweed et raideur aristocratique des gens de grande taille.
Lors de la sortie de l’album, Hergé lui en a envoyé un exemplaire, muni de cette dédicace contrite : J’ai fait de vous un traître, j’espère que vous ne m’en voudrez pas ! Comment diable Yago aurait-il pu, à supposer que tout cela soit vrai, faire grief au créateur de Tintin de lui avoir fait un tel honneur ?
Publication réalisée à partir de l’article de François CHARRIER, paru dans La Revue des Amis de Hergé, numéro 80, à l’automne 2015
LE TRÈFLE A QUATRE FEUILLES DE MARCEL DASSAULT
Voici l’explication que donne Marcel Dassault :
En fait, au cours des vacances 1939, juste avant la guerre, en me promenant dans les champs, j’ai trouvé un trèfle à quatre feuilles que j’ai placé dans mon portefeuille. J’ai déjà dit qu’en arrivant à Buchenwald nous avions laissé nos bagages, nos vêtements et tout ce que nous possédions avant de passer à la douche. Or, à Paris, trois mois après mon retour de déportation, je reçus une lettre du ministère des Anciens Combattants et Déportés m’invitant à me rendre à un certain bureau pour recevoir des objets m’appartenant. Ce bureau se trouvait avenue Bugeaud. Contre ma signature, on me remit, à ma grande surprise, ma montre, mon stylo et mon portefeuille, et dans ce portefeuille se trouvait toujours mon trèfle à quatre feuilles.
J’estime que retrouver à Paris un trèfle à quatre feuilles que j’avais été contraint d’abandonner à Buchenwald, c’est tout au moins un signe bienveillant de la Providence. Peut-être par là mon trèfle mérite-t-il le qualificatif de Talisman ?
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Permaliens
Bonsoir,
Merci pour cette information que je ne connaissais pas.
Je me permets une précision : le Mirage G, premier avion à flèche variable de la société Dassault, a fait son premier vol le 18 novembre 1967 aux mains de Jean Coureau.
Cordialement