EÏ BEN EK – EÏ BLAAIV EK ! LE BRUXELLOIS CHEZ TINTIN

Comme tout Tintinophile qui se respecte, l’auteur de ce passionnant ouvrage, Jean-Jacques DE GHEYNDT a en tête quelques expressions en syldave ou en arumbaya : Frêtmo, le stoumpô, czestot on clebcz et bien sûr l’inénarrable Eih bennek, Eih blavek ! Mais que se cache-t-il derrière ces expressions ?

 « Eï ben ek, Eï blaaiv ek ! bruxellois – syldave – arumbaya »

 216 pages – 16 € (+ frais de port 4,65€)

Disponible chez l’auteur: jjdgh01@live.com

Le lecteur sait peut-être que Hergé utilisait ses connaissances dialectales bruxelloises, acquises oralement via sa grand-mère maternelle qui habitait les Marolles. Les comprend-il pour autant ? Le plus ancien article sur les sources dialectales bruxelloises chez Tintin date de 1976 et est l’œuvre d’un ressortissant … des Pays-Bas ! Le premier travail de fond est celui de Frédéric Soumois dans « Dossier Tintin » (épuisé). La meilleure analyse jusqu’à aujourd’hui se trouve dans « Tintin, ketje de Bruxelles », un livre de Daniel Justens et d’Alain Préaux (épuisé). Hélas aucun de ces ouvrages n’est complet et, surtout, ne développe suffisamment les multiples sources historico-linguistiques de la création hergéenne. C’est pourquoi Jean-Jacques DE GHEYNDT s’est lancé dans l’aventure :  Syldave, bordure, bibaro et arumbaya furent allaités aux mamelles du riche dialecte brabançon, mais il faut croire que la nourrice avait alterné gueuze, faro, kriek et lambik pour accoucher de wulle gaminne (petites sauvageonnes) aussi différentes les unes des autres !

Les noms de personnages constituent le b.a.-ba de l’exégèse bruxelloise de l’œuvre de Hergé, mais une analyse fine peut révéler une richesse insoupçonnée. La topographie est cohérente : ainsi, la capitale de la Syldavie est Klow, à prononcer klouf (fêlé), et répond à Shohôd (au fou), capitale de la Bordurie. Les dialogues s’échelonnent de la transposition simple, tels Wadesmadana (c’est quoi ce bazar ?) à un véritable travail de paléographie lorsqu’il s’agit de comprendre l’arumbaya ou le vieux syldave.

De nombreux termes trouvent dans cet ouvrage une explication inédite : Dimitrieff Solowstensxopztski (Dimitrieff, fils de wallon têtu) ; Kragoniedin (je ne parviens pas à avaler cela). Les travaux préparatoires de Hergé ont éclairé l’auteur sur son processus de création linguistique. Tous les dialogues et les deux versions du cartouche de la miniature du XIVe siècle sont intégralement traduits et justifiés mot à mot, et ce pour la première fois.

Arrêtons-nous un bref moment sur le texte en vieux syldave [Sceptre page 21] du manuscrit du XIVe siècle, lequel se termine par ces mot « Dâzsbíck fällta öpp o cârrö ».

 

  • Frédéric Soumois l’interprète comme suit:

dâszbick = (all.) das: ce + (fr.) bique: chèvre

fällta = (ang.) to fall: tomber

cârrö = (wall.) carreau

Le recours par Soumois au français, à l’anglais et à l’allemand est d’une complexité injustifiée: « bique » constitue un détour linguistique inutile, même si on peut associer l’animal au comportement rétif du baron rebelle ce qui satisfait au critère de cohérence contextuelle.

 

  • Daniel Justens et Alain Préaux proposent l’alternative suivante :

bick = (bv.) bikker: (fr.) bouffeur, goinfre

fällta = (nl.) valt : tombe – or, le contexte impose « tomba »

 et l’imparfait de « valle(n) » est « viel »

cârrö = (fr.) carreau, carrelage, sol

Justin et Préaux invoquent « Bikker » dont le sens de glouton porte ici sur l’avidité de pouvoir: il satisfait au critère linguistique et est cohérent avec la tentative de putsch. Par contre, ils traduisent fällta par « tombe », un indicatif présent; il s’agit en fait de l’imparfait (Vallen, viel », gevallen) transposé en fällta, le –a final recréant l’imparfait.

  • Jean-Jacques DE GHEYNDT propose lui  une traduction directe pour « bink », sans détour par un quelconque sens approché mais basée sur une connaissance plus approfondie du dialecte flamand de Bruxelles: bink: type, garçon. Ce mot de vloms, synonyme de peï, est emprunté au bargoensch[1],un argot flamand disparu aujourd’hui mais encore connu dans le quartier des Marolles à l’époque de la grand-mère de Hergé.

La traduction devient alors simplement: « (et) le type tomba sur le sol ».

 

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3 commentaires


  1. Bonjour,

    Je suis très honoré de voir mon livre publié sur votre site : un tout grand merci !

    Puis-je vous demander de modifier mon adresse email en jjdgh01@live.com ? C’est sous cette adresse que je viens de m’inscrire pour votre newsletter. Vous pourrez vérifier qu’il s’agit bien de moi en surfant sur mon site http://www.science-zwanze.be, ou en vérifiant auprès de Hervé Springael qui m’a signalé la parution de votre article.

    Tintinophilement vôtre,
    Jean-Jacques De Gheyndt

    Répondre

  2. Voilà, la correction est faite. En vous remerciant à nouveau pour ce livre du plus grand intérêt

    Répondre

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