TINTIN : DÉCOUVRONS UN FASCICULE PETIT VINGTIÈME DE 1938 (Sceptre)

Ce fascicule présente une superbe couverture en rapport avec “Le Sceptre d’Ottokar”, dessinée spécialement par Hergé (et qui à ce titre constitue une illustration inédite, non reprise en album). L’illustration intitulée “Et Tintin… Qu’est-il devenu ?” représente la moto que Tintin conduisait, accidentée et gisant au milieu de la route dans une mare d’huile alors que dans le lointain, l’Opel Olympia conduite par les mystérieux Syldaves s’éloigne…

Il s’agit du fascicule du jeudi 3 novembre 1938. Il porte le numéro 43. Il est mentionné page 339 dans l’admirable ouvrage de Philippe Goddin : « Chronologie d’une Œuvre – tome 3 ». Ce fascicule contient une double page des “Nouvelles Aventures de Tintin en Syldavie” qui paraîtront en album sous le titre “Le Sceptre d’Ottokar”. Il s’agit de la séquence où Tintin, qui poursuit les espions syldaves a moto est éjecté de celle-ci en raison d’un coup de frein intempestif des poursuivis…

Il est rejoint par les Dupont(d) -qui ont réquisitionné un superbe cabriolet avec chauffeur- et regagne avec eux son appartement. Là il reçoit un coup de téléphone du Professeur Halambique. Soudain ce dernier, en pleine conversation avec son interlocuteur, appelle à l’aide ! Tintin se précipite…

Ce fascicule contient aussi une double page de Jo, Zette et Jocko consacrée au Stratonef H22.

UNE VERSION COULEURS PROFONDÉMENT MODIFIÉE

La version couleurs du Sceptre d’Ottokar date de 1947. Hergé la réalisa en compagnie de E.P. Jacobs, le créateur de Blake et Mortimer. Déjà dans Le Lotus Bleu, le travail de Jacobs avait été admirable, mais dans Le Sceptre d’Ottokar il s’est surpassé. Il ne s’est pas contenté de mettre en couleurs, il a rajouté bon nombre de décors suivant en cela son sens aigu du réalisme minutieux, comme on peut le constater ci-dessous avec les petites maisons rajoutées :

Version Couleurs
Version originale en noir & blanc

LA MOTO DE TINTIN EST… BELGE (bien évidemment)

La puissante moto qu’emprunte Tintin pour poursuivre les espions est vraisemblablement une moto belge. Il semble que Hergé se soit inspiré d’une Gillet-Herstal de 400 cm3, datant de 1931, avec son pot d’échappement en “queue de carpe”.

La firme Gillet, dernier né (en 1919) des trois grands fabricants de motos belges (avec FN et Saroléa) était installée à Herstal à côté de la ville de Liège. Il est curieux de noter que Herstal fut un grand centre de production motocycliste, puisque les trois constructeurs de motos y cohabitaient : FN, Sarolea et Gillet. Les motos Gillet ont réussi très rapidement à se créer une réputation enviable grâce à leur originalité, leur solidité et leurs nombreuses autres qualités. En quarante années de production (1919 – 1959), elles auront satisfait bon nombre de motards qui surent trouver en elles la monture de tourisme ou de sport qu’ils appréciaient

Très vite elles s’illustrent à maintes reprises dans les grandes compétitions : Grand-Prix de Belgique, Nice, Records du Monde, Bol d’Or, Moto-cross…

L’OLYMPIA : CE FUT AUSSI LA VOITURE PERSONNELLE DE HERGÉ

Attardons-nous sur l’Opel Olympia, la voiture des espions syldaves du Sceptre d’Ottokar. La même que celle qu’Hergé possédait à l’époque. En effet, Hergé passa son permis de conduire et s’offrit sa première voiture en 1938 à l’âge de 31 ans. Et ce fut, bien évidemment une Opel Olympia Cabriolet Coach. C’est sans doute la raison pour laquelle il choisit de dessiner cette dernière pour le Sceptre d’Ottokar. Voici ce qu’il en dit :

Je l’avais achetée aux Établissements Paul Cousin. Pendant la guerre, je l’avais cachée dans une grange, car les Allemands réquisitionnaient les voitures. Je n’ai donc pas beaucoup roulé avec. En plus l’essence était quasi introuvable. Puis je l’ai prêtée à un médecin… A la Libération, elle s’est faite un peu pliée par un gros camion américain…”.

Hergé ne précise pas ici qu’il a cependant accompli un véritable périple au volant de son Opel Olympia. Qu’on en juge :

Le 10 mai 1940, la route de l’exode…

Le 10 mai 1940, le lendemain de l’invasion de la Belgique (neutre) par les troupes allemandes, toute la famille Remi (Hergé, son épouse Germaine, la femme de son frère et sa jeune nièce de 3 ans) s’entasse dans la fameuse voiture en compagnie de leur chatte siamoise Thaïke. Comme des centaines de milliers de Belges, qui se sont lancés sur les routes, Hergé va connaître le chemin de l’Exode : des milliers de gens, en voiture automobile ou en voiture à cheval, bourrées de passagers, débordantes de valises, de martelas, d’objets les plus divers… tentent difficilement de se frayer un passage au milieu d’autres gens qui fuient à pied ou à vélo. Sans parler des camions et des véhicules militaires.

Voyage interminable et d’autant plus épuisant qu’il est ponctué par les miaulements incessants de la petite chatte qui a très peur. 

Ce périple va les conduire de Bruxelles à Paris et de Paris dans le Puy de Dôme à Saint-Germain-Lembron, à 10 km au sud d’Issoire. L’épouse de Marijac, l’un des dessinateurs de Cœurs Vaillants est là pour les aider à trouver une maison sans grand confort à proximité, dans le village de Collanges. Ils y resteront plus de 6 semaines, puisque ce n’est qu’à la fin du mois, le 28 juin 1940, que Hergé regagnera enfin Bruxelles.

LE SAVIEZ-VOUS ? : L’Opel Olympia du Sceptre d’Ottokar change d’immatriculation au gré des albums !

La superbe Opel Olympia Kabrio-Limousine de 1938 qui figure à la page 14 de l’album change souvent d’immatriculation :

– Elle n’a pas de numéro inscrit sur sa plaque minéralogique dans l’édition de 1958,

– dans celle de 1962, elle en a un (50 51 91),

– dans l’édition de 1969, elle n’en a plus à nouveau,

– dans l’édition de 1979, elle en a un (131 046), mais différent de celle de 1962

– dans l’édition de 1987, il change (112 RA)

EN SAVOIR PLUS SUR L’OPEL OLYMPIA 

L’Opel Olympia d’une cylindrée de 1,3 litres fut présentée en 1935. Elle devait son nom aux Jeux Olympiques qui allaient avoir lieu à Berlin l’année suivante. Il s’agissait de la première voiture allemande de série pourvue d’une coque autoporteuse tout acier. Sa production effective débutât en 1937. La carrosserie de l’Olympia présentait une série d’avantages : un poids total abaissé, une sécurité passive accrue et une excellente aérodynamique pour l’époque. L’Olympia était disponible en berline 2 portes et en découvrable.

LE SUPERBE CABRIOLET DES DUPONTD

Conduit par un chauffeur en livrée, le superbe cabriolet dans lequel ont pris place les Dupont(d) et Milou n’est autre qu’une Ford V8-78 de 1937. Ce superbe modèle 2 portes, quatre places fut l’une des plus belles réussites du constructeur américain.  Il n’est pas surprenant que Hergé ait choisi ce modèle car il est fort probable qu’il l’a découvert dans un des numéros de la “Revue Ford” parus en 1936. il en disposait pour une raison simple : à l’époque il réalisait, dans le cadre de ses travaux publicitaires, toutes sortes de dessins pour le luxueux magazine que publiait la filiale belge du constructeur américain.

Les Tintinophiles les plus observateurs ont certainement remarqué que dans la version du Petit Vingtième, le cabriolet des Dupont(d) est normalement immatriculé à l’arrière, avec les 6 chiffres dont se composaient à l’époque, en Belgique, les plaques minéralogiques.

En revanche, dans la version couleurs, la plaque est vierge de toute immatriculation.

Mais, chose tout aussi surprenante là encore, la Ford cabriolet mauve de 1937 qui figure à la page 15 de l’album change elle aussi très souvent d’immatriculation en fonction des albums :

– Elle n’a pas de numéro inscrit sur sa plaque minéralogique dans l’édition de 1958,

– dans celle de 1962, elle en a un (147 120),

– dans l’édition de 1969, il change : (LKK 576),

– dans l’édition de 1979, il change à nouveau : (375 SM)

– dans l’édition de 1987, il disparaît à nouveau….

Étonnant, non ?

 

 

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