LES TRAINS DANS LES ALBUMS : L’ÎLE NOIRE

Voici l’album le plus ferroviaire des aventures de Tintin. L’Île noire a en effet subi de nombreuses modifications, ayant connu trois versions différentes.

  • Après sa parution dans Le Petit Vingtième d’avril 1937 à juin 1938, l’album fut édité par Casterman en 1938 et comprenait 124 planches.
  • En 1943, lors de la mise en couleur et du passage au cadre strict des 62 pages, l’album fut réédité sans grand changement.
  • Dans la version de 1965, l’album fut totalement redessiné. Une raison simple s’explique. L’album, n’ayant jamais été traduit en Anglais, aurait paru démodé à des lecteurs qui venaient de lire Objectif Lune, On a marché sur la Lune ou encore L’Affaire Tournesol. Hergé accepta donc de revoir la mouture de l’album et fut contraint de le « moderniser ». Les technologies, qui venaient d’être inventées dans les années trente, paraissent donc beaucoup plus banales.

Ces changements apportèrent une forte authenticité avec la modernisation des costumes, des véhicules et des décors.


Lors de la réédition de cet ouvrage, les recherches hergéennes ont permis de pousser plus loin le souci du détail. Ainsi, page 2 et suivantes, nous trouvons du matériel ferroviaire plus plausible. Il est étonnant, par contre, de voir la « BB » belge rouler sous fil régulé ou trolley (un seul fil de contact), plutôt que sous caténaires ! (Ce terme désigne une suspension comprenant au moins un fil de contact suspendu par des « pendules » au fil porteur, « catena » ou chaînettes, dont l’équation fait le bonheur des polytechniciens de la SNCF !). Un simple fil de contact ne permet pas des vitesses supérieures à 120 km/h et en pleine ligne n’est utilisé que sous 25 kV monophasé, or en Belgique, il s’agit de 3 kV continu. Quand le train s’arrête (vignette n°9 page 3) il n’y a plus rien au-dessus de la voiture !


Le train anglais (page 30 et suivantes) a bien une allure « British ». Rappelons ici, que Bob De Moor, collaborateur de Hergé chargé des paysages, a réalisé un repérage en Écosse pour cette nouvelle édition. C’est dans les « Highlands » que l’on trouve le train représenté dans l’album de Tintin. Le « Flying Scotsman »(1) est le train du nord reliant Glasgow au port de Mallaig d’où l’on s’embarque pour l’île de Skye.


Les « wagons » rouges à liserés jaunes sont bien représentés « chez Tintin ». Il est toujours aussi curieux de remarquer avec quelle facilité on peut décrocher une locomotive de son train tandis qu’il roule ! … Ceci est en effet impossible vu l’effort de traction. Peut-être en phase de freinage, et encore, la compression sur l’accouplement serait telle que le décrochage est tout aussi très hypothétique.

Le nombre de BD qui rééditèrent cette erreur de physique, particulièrement dans les westerns, est considérable et ferait à lui seul l’objet d’une recherche intéressante.


Notre héros quitte à peine son train, abandonné de sa locomotive, qu’il prend d’assaut un convoi de marchandises… Mais là je pose une question : Le whisky se transporte-t-il en wagon citerne ? Les sociétés transportent du malt, du whisky non affiné, en citerne, pour le produit fini, seul le transport en bouteille est admis. À cet égard, le whisky rejoint dans la réglementation des transports, la liste des matières dangereuses, ce qu’on savait lorsqu’il n’est pas consommé avec modération !


HERGÉ ET LOCH LOMOND

Au musée « World train », un wagon de transport de pétrole fait figurer, par projection lumineuse, la mention « LOCH LOMOND WHISKY », clin d’œil à l’œuvre de Hergé.

Déjà, dans la toute première version de l’aventure, dans Le Petit Vingtième, en 1937 la marque « Johnnie Walker » figurait sur le wagon par souci de réalisme. En 1965, Hergé qui (compte tenu de la future sortie de son album en Angleterre) pensait courir un risque en utilisant une marque connue imagina une marque fictive : Loch Lomond… Le problème c’est que cette marque existe vraiment même si sa production est infime. Il s’agit d’une distillerie de whisky située à Alexandria dans le West Dunbartonshire en Écosse près du Loch Lomond.


EN SAVOIR PLUS SUR LE FLYING SCOTSMAN (par Marc Montaigu)

Le Flying Scotsman (Écossais volant) est l’express reliant Édimbourg à Londres depuis 1862.

En 1860, trois compagnies ferroviaires britanniques, la Great Northern Railway (GNR), the North Eastern Railway (NER) et la North British Railway s’entendent pour construire en commun des voitures voyageurs (East Cost Joint Stock) pour desservir la East Coast Main Line de Londres vers Édimbourg et le nord de l’Écosse.

En 1862, ces trois compagnies lancent le Special Scotch Express, avec deux trains partant à 10 h, l’un de la gare d’Édimbourg Waverley, l’autre de la gare de King’s Cross à Londres. Le trajet prend dix heures et demie, avec un arrêt d’une demi-heure à York pour se restaurer ; les progrès techniques permettent de réduire la durée qui ne prend plus que huit heures et demie en 1888, au moment de la course vers le Nord.

En 1896, le matériel est modernisé : les voitures possèdent un couloir pour circuler de l’une à l’autre, elles sont chauffées.

Un wagon-restaurant permet de limiter à quinze minutes l’arrêt à York, sans changement dans la durée totale du trajet.

C’est le tain des « trente-neuf marches », thriller de monsieur Alfred Himself ! On le voit également dans 80% des « Hercules Poirot », et bien sûr « le chien des Baskerville », élémentaire mon cher ! Et d’innombrables autres ouvrages, c’est le point obligé de tout ce qui quitte le Londonistan pour se rendre hors le mur d’Hadrien.

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