C’est un quasi-inconnu, et pourtant l’histoire de la bande dessinée ne serait pas la même sans lui.
Son nom n’évoque pas grand-chose à une majorité de lecteurs, et même les plus férus ne savent de lui que ce que la rumeur a porté jusqu’à eux : ami de Jacobs, ami d’Hergé, il serait l’auteur de leurs plus grands scénarios, resté dans l’ombre pour des raisons peu avouables :
- Un passé collaborationniste d’une part
- Et la jalousie de deux grands hommes acharnés à rester seuls, à tout prix, sous les projecteurs.

Un homme qui sera aussi toujours fidèle en amitié (il rencontre E-P Jacobs à l’âge de 14 ans, et ne se quitteront plus), exclusif dans ses passions : il est peintre, et peintre seulement. Et journaliste, scénariste, par obligation.
Un homme qui se désintéresse du monde qui l’entoure au point de faire preuve d’un inexcusable aveuglement sous l’occupation allemande, en écrivant dans des journaux ouvertement pro-nazis. Il le paiera cher (prison, interdiction d’exposition, anonymat). Un homme, enfin, indéfectiblement lié à la bande dessinée : il fut le premier rédacteur en chef du journal Tintin, scénariste, dessinateur.
Van Melkebeke est l’ami de Jacobs, il fut aussi celui d’Hergé.

Quelle fut exactement la nature de sa collaboration avec les deux hommes ? Si son travail avec Hergé consiste le plus souvent à lancer des idées, le pousser parfois vers une plus grande complexité narrative, il jouera parfois le rôle d’un quasi-scénariste. Mais peu de personnes le sauront à l’époque. Plusieurs facteurs l’rexpliquent : la volonté de « Van Melk » de ne pas se « compromettre » dans un genre mineur, l’inexistence formelle des scénaristes, à une époque où la bande dessinée est considérée comme l’œuvre d’un auteur unique.

Jacques Van Melkebeke naît en 1904 dans l’un des quartiers les plus populaires de Bruxelles : celui des Marolles.
Adolescent, il entre dans une école de comptabilité où il règne en maître incontesté du dessin et de l’art … jusqu’au jour où un « indésirable » vient lui faire concurrence, artistiquement parlant. Ce concurrent se nomme Edgar Pierre Jacobs. De cette rivalité va naître une amitié de plus de 60 ans.
Dans les années 20, Van Melkebeke s’inscrit à l’Académie des Beaux-arts de Bruxelles. Il y fait rapidement la connaissance de Jacques Laudy qu’il présentera à Edgar P. Jacobs, également inscrit aux Beaux-arts. Les trois compères ont vingt ans … et sont souvent ensemble. Les années passent et, en juin 1940, Van Melkebeke entre au quotidien bruxellois germanophile « Le Soir » où il anime “La page de l’enfance” qu’il illustre avec “Les aventures du Baron de Crac”.
En septembre 1940, Raymond de Becker, le directeur du “Soir”, à l’idée de faire appel à Hergé pour lancer un supplément jeunesse : “Le Soir Jeunesse” qui présenterait les aventures de Tintin. Le premier numéro du “Soir Jeunesse” paraîtra le 17 octobre 1940, avec comme rédacteur en chef Hergé et comme assistants Van Melkebeke et Jamin (ancien complice de Hergé au “Petit Vingtième”). Hergé et Van Melkebeke s’apprécient mutuellement et écrivent ensemble en 1941 une pièce de théâtre en trois actes, « Tintin aux Indes, le mystère du diamant bleu ». Puis, dans la foulée, une seconde pièce : « M. Boullock a disparu » :
C’est à l’occasion de la première de » Tintin aux Indes « , le 15 avril 1941, que Van Melkebeke présente son grand ami Edgar Pierre Jacobs à Hergé. Hergé et Van Melkebeke se lient d’amitié.

Ce dernier participe à de nombreux scénarios des Aventures de Tintin. En 1944, lors de la libération de la Belgique par les alliés, les choses se passent mal pour Van Melkebeke. Son attitude plus que conciliante vis-à-vis de l’occupant pendant la guerre lui vaudra une condamnation.
En 1946, Hergé fera appel à lui pour réaliser la première maquette du journal “Tintin”.

Van Melkebeke s’occupera également des scénarios de quelques-uns des albums de « Corentin », le héros de Paul Cuvelier. Il en sera de même avec Edgar Pierre Jacobs qui s’inspirera de son physique pour crée le visage du Professeur Mortimer et de celui de Laudy pour Blake.

Durant toutes ses années, Van Melkebeke entretient une collaboration professionnelle intense avec Hergé, fidèle en amitié. “L’Ami Jacques”, comme l’appelaient Jacobs et Hergé, meurt à Bruxelles, des suites d’une thrombose, le 8 juin 1983, 3 mois après Hergé.

Hergé a représenté plusieurs fois Jacques Van Melkebeke dans les aventures de Tintin :




Le Saviez-vous ?
C’est la fille de Jacques van Melkebeke, Chantal Rivière, alors Assistante de production d’Alain Barret, qui a découvert Jean-Pierre Talbot (alors âgé de 17 ans) en 1960 sur une plage d’Ostende.

L’équipe cherchait son Tintin depuis un an. Des centaines de personnes avaient été auditionnées. Plusieurs vedettes avaient été envisagées, dont Jean-Pierre Léaud. Mais aucune ne semblait convenir. Jean-Pierre Talbot fait, au contraire, l’unanimité au sein de l’équipe de production. « Je n’avais pourtant jamais joué la comédie. Et je n’avais nulle envie de devenir acteur », glisse, modeste, Jean-Pierre Talbot.
Reste cependant à savoir si Hergé validera ce choix audacieux d’un inconnu, totalement amateur, dans le rôle-titre. « Je me rappellerai toujours de notre première rencontre avec Hergé, confie Talbot. Il est entré dans la pièce sans dire un mot, m’a fixé longuement puis, au bout de quelques secondes qui m’ont semblé très longues, a posé paternellement sa main sur mon épaule en souriant et a dit : oui, c’est bien lui. »
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Permaliens
Je possède qq tableaux de « l’ami Jacques « la famille serait-elle intéressée ? Ou des amis ?
Je les avais achetés à une amie belge il y a une trentaine d’années