Curieusement, alors que tout a été dit sur Hergé et Tintin, peu d’analyses ont été consacrées aux femmes dans une œuvre pourtant universelle. Cela signifie-t-il que cette moitié de l’humanité est si peu présente dans les 24 albums qu’il n’y a rien à en dire ? L’univers du petit reporter serait-il uniquement masculin ? Les héros qui le peuplent seraient-ils machistes au point de ne laisser aucune place à leurs homologues féminins ?
Ce livre a pour ambition de combler cette lacune, en s’interrogeant sur cette rareté, et de faire le point sur la pertinence de la critique la plus répandue à l’encontre de Hergé : la misogynie du monde de Tintin…
Éditions SÉPIA – Broché – format : 16 x 24 cm- 72 pages – 15€
LA CRITIQUE DE HENRI FILIPPINI
Si l’auteur s’étonne que les analyses soient rares sur la présence des femmes dans les 24 Aventures de Tintin, il n’en relève pas moins le défi et aborde avec sérénité – et une pointe d’humour – la misogynie dans l’œuvre d’Hergé.
Selon lui, 52 femmes ont joué un rôle véritable dans la série, parfois fort court. 24 d’entre elles sont considérées comme actives, de l’actrice du film de Rastapoulos dans Les Cigares du pharaon à Angelina Sordi (l’amie de Bianca Castafiore dans « L’Alph-Art ») en passant par Madame Pinson la concierge, Miarka la petite Tzigane, Madame Lampion… Vous l’aurez compris, à part le caricatural rossignol milanais, les femmes chez Hergé ne servent pas à grand-chose. Puisqu’il fallait bien donner plus de consistance à l’ouvrage, une liste de 28 autres femmes est proposée, composée de personnages aux apparitions fugaces, telles l’épouse d’un malade dans Tintin au Congo où une voyageuse dans L’Île noire.
Au fil des pages l’auteur revient sur ces héroïnes discrètes en évoquant leurs rôles mais aussi les personnalités réelles qui ont inspiré Hergé. Il constate que les couples y sont rares et les enfants peu présents. Un chapitre à mes yeux injustes évoque la présence du peu de femmes dans les bandes dessinées de l’époque. L’iconographie est riche, la mise en page soignée. La couverture est signée Stanislas (auteur avec Jean-Luc Fromental des Aventures de Hergé, (album à plusieurs reprises réédité) qui propose aussi quelques savoureuses illustrations pleine page.
Ce petit bouquin de 76 pages, préfacé par Philippe Goddin se lit facilement. Son sujet malin comble une lacune dans la riche bibliothèque consacrée à l’œuvre d’Hergé.
QUI EST RENAUD NATTIEZ
Ancien élève de l’ENA, docteur en économie, Renaud Nattiez est Inspecteur général de l’Administration de l’Éducation nationale et de la Recherche honoraire. Il a rencontré Tintin dans L’Affaire Tournesol, avant de savoir lire, au moment où Bianca Castafiore évitait au capitaine Haddock et à son fidèle ami d’être incarcérés dans les geôles de Bordurie. Il est l’auteur d’un essai intitulé Le Mystère Tintin, les raisons d’un succès universel (2016), du Dictionnaire Tintin (2017) et de nombreux articles dans des revues littéraires ou spécialisées en Tintinologie.
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