LE TEMPLE DU SOLEIL ET LA REVUE NATIONAL GEOGRAPHIC DE 1938

Quand avez-vous obtenu votre visa pour le Pérou ? demande perplexe, l’ambassadeur péruvien à Hergé.

Je n’y suis jamais allé, reconnaît simplement le père de Tintin, plongeant son interlocuteur dans la stupéfaction. La scène qui se déroule en Belgique peu de temps après la parution de l’album Le Temple du Soleil, en 1949, ne manque pas de piquant.

En effet, le décor planté par Hergé est tellement vraisemblable que le diplomate péruvien était persuadé qu’il s’était rendu sur place.

En ce qui concerne le Temple du Soleil, Hergé et Jacobs ont puisé largement dans un magazine de l’époque :  « Le National Geographic » qui, dans son numéro de février 1938, publia un reportage sur les Incas et qui fournira ainsi à Hergé une abondante documentation, notamment pour représenter le Grand Prêtre lorsqu’il va présider au sacrifice, le cortège des jeunes vierges du Temple Sacré et la danse du serpent précédant l’immolation par le feu ainsi que pour les décors inspirés de sites de Sacsahuaman et du Machu Picchu.

Avec le Temple du Soleil Hergé met pour la première fois en scène une civilisation disparue et, de surcroît, sur laquelle il n’était pas si facile de se documenter. Sans doute Edgar Pierre Jacobs et lui se renforçaient-ils mutuellement dans leur tendance au perfectionnisme. Il n’est aucun élément de ces deux albums qui relève du hasard ou de l’approximation. Chaque détail a fait l’objet de recherches et de vérifications.

Dès les premières pages du Temple du Soleil, la couleur locale est partout. On se promène dans des rues tout à fait pittoresques, avec des édifices d’époque coloniale, des Indiens en poncho bariolé, des lamas. Pour la plupart des décors et des costumes, Hergé a donc puisé dans le National Geographic de février 1938, dû à un spécialiste de renom, Philip A. Means.

Au début de l’histoire, Tintin et le capitaine Haddock croisent dans une rue de Callao une femme qui file de la laine avec un fuseau et porte son enfant sur le dos : elle est nettement inspirée d’une première photo, son chapeau d’une autre. Le portail dans le fond à gauche de la vignette est copié d’une troisième.

Le même article du National Geographic contient des photos de lamas, de paysages montagneux, d’Indiens à ponchos et couvre-chefs de toute sorte, notamment des chapeaux melons à la bolivienne, et des bonnets phrygiens (chullo), photos dont Hergé fait un ample usage.

Mais Hergé s’est aussi beaucoup inspiré des très belles gravures du peintre Herget qui figuraient dans le magazine, s’en servant comme modèle pour tous les vêtements des Incas. On retrouve ainsi copiés avec précision la robe et le casque de l’Inca, les robes des gardes avec leurs chapeaux à plumes et leurs boucliers carrés. Les robes des femmes choisies y sont reprises jusqu’à la façon dont la cape se drape sur les épaules et la poitrine. Les motifs des costumes dans Hergé ont tous leur modèle dans ces gravures, même cet étonnant motif de grosses fleurs que Hergé choisit avec cocasserie pour orner, bien sûr, la robe de sacrifice du professeur Tournesol.

Outre ces vêtements, Hergé emprunte d’autres éléments à ces gravures : le trône de l’Inca avec son dais et son tapis, la une procession de prêtres et la scène de la danse du serpent géant.

 

Source: Tintin et le jeu des 7 erreurs Par Michel Graulich, Professeur. à l’Université Libre de Bruxelles, Historia, Juillet Août 2003

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