HERGÉ À PARIS A L’INVITATION DE CŒURS VAILLANTS : 1931

Dès 1930, soit un an après la publication de Tintin au pays des Soviets dans Le Petit Vingtième, l’hebdomadaire français Cœurs Vaillants propose à son tour cette première aventure de Tintin à ses lecteurs. C’est dire si le nom du dessinateur belge est déjà connu et apprécié en France dès le début des années trente.

Le jeudi 30 avril 1931, les responsables de Cœurs Vaillants organisent une grande matinée récréative à Paris au Trocadéro. Et ils ont convié Hergé à y participer.

Ce dernier ne se fait pas prier. À l’agréable, il compte ajouter l’utile. Toujours à la recherche de nouveaux marchés pour diffuser son travail, il compte profiter de son séjour à Paris pour prendre quelques rendez-vous avec des professionnels de la presse française ou étrangère, ainsi qu’avec des éditeurs et d’autres confrères travaillant dans le secteur de la bande dessinée. Il sera accompagné de Paul Jamin, alias Jam, collègue et ami au sein de la rédaction du Petit Vingtième.

BAPTÊME DE L’AIR POUR HERGÉ ET JAM

Cerise sur le gâteau, le déplacement se fera en avion. Pour les deux jeunes dessinateurs, c’est une première. On peut imaginer qu’ils envisagent ce voyage avec une certaine crainte : les engins volants de l’époque n’offraient pas tout à fait les mêmes garanties de confort et de sécurité que nos appareils actuels (raison sans doute pour laquelle l’un et l’autre ont préféré ne pas en parler à leurs parents !) C’est un euphémisme ! D’autant plus que l’appareil dans lequel ils vont prendre place n’est pas de prime jeunesse. Malgré tout, le duo doit se sentir plutôt privilégié, car ce moyen de transport est loin d’être à la portée du grand public ; cela coûte cher de voyager en avion en 1931 !

Durant deux heures -c’est le temps nécessaire pour parcourir la distance Bruxelles-Paris- ils découvrent et admirent pour la première fois les paysages de Belgique et de France « vus d’en haut ». Outre l’équipage, huit autres personnes ont pris place dans un Farman Jabiru, dix étant le nombre maximum de passagers que cet avion peut accueillir.

Ce baptême de l’air donnera lieu à une couverture et à un récit de Paul Jamin dans le Petit Vingtième du 14 mai 1931

Arrivés à destination, c’est à la salle du Trocadéro qu’ils se rendent. La grande foule est au rendez-vous. Lorsque le présentateur annonce la présence d’Hergé parmi le public, c’est à un tonnerre d’applaudissements que le dessinateur a droit.

Un film INÉDIT tourné le 30 avril 1931 nous montre la première apparition d’Hergé sur un écran, en compagnie de Paul Jamin (alias JAM).

Pour visionner un extrait du film, cliquez au milieu de l’image

LA RENCONTRE AVEC ALAIN SAINT OGAN

Hergé en profite aussi pour rencontrer le dessinateur Alain Saint-Ogan, pionner de la bande dessinée auquel il voue une très grande admiration.

portrait de Alain Saint Ogan

L’épisode est bien connu. Philippe Goddin le relate ainsi : « Dès la création du Petit Vingtième, Hergé s’était fait un plaisir d’y publier quelques dessins humoristiques d’Alain Saint-Ogan. En mai 1931, alors que Tintin n’était encore qu’une célébrité locale, alors que paraissaient, en Belgique, les dernières planches de Tintin au Congo, Hergé était allé à Paris, muni sans doute de son premier album, pour rencontrer Saint-Ogan et lui demander quelques conseils. Ce jour-là, heureusement, le créateur de Zig et Puce encouragea son jeune confrère. Il lui offrit même une planche originale ‒ au titre prémonitoire de « Gloire et richesse » ‒ revêtue d’une amicale dédicace : À monsieur Hergé, un confrère français, très amicalement ».

LA SOIRÉE AU MOULIN ROUGE

Pour la partie privée du séjour parisien, Jam a livré quelques détails amusants : « À Paris, nous fûmes forts sages. Georges était un garçon très sérieux. ; J’aurai voulu l’être moins, mais il était le chef de l’expédition. Nous osâmes quand même passer une heure au Moulin Rouge, l’antre de Satan, où nous nous ennuyâmes copieusement. Lorsque 2 dames que je trouvais jolies et élégantes, vinrent nous proposer de nous tenir compagnie, Georges -à mon grand dépit- déclina poliment leur offre et je vis qu’il rougissait.

Veillant à notre vertu, l’Abbé Wallez nous avait retenu une chambre à l’hôtel du Beaujolais, un établissement pour ecclésiastiques… Nous y dormîmes paisiblement dans un lit moelleux, assez large pour recevoir un archevêque. Je crois donc être le seul homme à avoir partagé –en tout bien tout honneur-la couche de Hergé »

Extrait du livre de la biographie de Hergé « Lignes de vie » par Philippe Goddin

EN SAVOIR PLUS SUR LE JABIRU-FARMAN

Le Jabiru, qui porte le nom d’une cigogne d’Amérique latine , était un sesquiplane à train d’atterrissage fixe propulsé par deux, trois ou quatre moteurs, selon la variante. Il comportait une corde inhabituellement large, une aile principale à faible rapport de forme et un fuselage très profond. Dans la variante à trois moteurs, le moteur de la ligne médiane était monté haut, ce qui lui donnait un aspect inhabituel.

Bien que figurant dans la liste des avions les plus laids, il remporte, après son premier vol en 1923, le Grand Prix des avions de transports de France ( 1923) et son premier prix de 500 000 francs, avant d’être utilisé par plusieurs compagnies aériennes européennes. Le Jabiru était capable de transporter jusqu’à 10 passagers et était desservi par la ligne aérienne Paris – Bruxelles – Amsterdam de Farman , mais également par Danish Air Lines entre Copenhague et Amsterdam. 

Le Farman F-3X Jabiru est réputé non pas tant pour avoir remporté deux années consécutives (1923 et 1924) le Grand Prix des avions de transport, que pour sa légendaire laideur. Tout était conçu pour le confort des passagers, jusqu’à la place du pilote à l’extérieur sur l’aile, afin de conserver une cabine spacieuse avec une vue exceptionnelle. La photo de la cabine de l’avion est d’ailleurs bien plus connue que l’avion lui-même.

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