HERGÉ ET LA PHARMACOPÉE DE TINTIN

On constate que la pharmacopée de Tintin est plutôt limitée. Quant au personnage du pharmacien lui-même, il ne fait pas partie de l’univers de Hergé et n’a jamais été représenté. Mais il est malgré tout intéressant d’observer que quelques produits pharmaceutiques apparaissent dans les Aventures de Tintin. Certains biens réels, d’autres inventés, dont les propriétés thérapeutiques sont mises en avant.

L’INCONTOURNABLE CHLOROFORME

Le produit vedette est sans aucun doute le chloroforme qui est cité dans de nombreux albums de la série :

Le Chloroforme dans Tintin chez les Soviets
Le Chloroforme dans Le Lotus Bleu
Le Chloroforme dans L’Île Noire

Le chloroforme est utilisé pour endormir : Milou, Tintin ou d’autres personnages en feront les frais. On le retrouve aussi dans L’Île Noire, Le Secret de la Licorne et jusqu’au dernier album (Tintin et les Picaros). On peut comprendre cet intérêt pour le chloroforme dans une série d’aventure où les héros sont souvent malmenés et que leur enlèvement est un des ressorts de Hergé pour faire rebondir l’action. Malheureusement pour l’auteur de Tintin, le chloroforme n’est sans doute pas le mieux adapté des produits à cet usage, quand on sait que le temps nécessaire pour endormir les sujets au chloroforme est assez long (12 à 40 minutes). Les ouvrages pharmaceutiques de référence de l’époque mettaient surtout en garde contre l’usage du chloroforme compte tenu de la marge très étroite entre la dose efficace et la dose mortelle.

LA QUININE

Un autre produit de la pharmacopée hergéenne est la quinine qui apparaît à deux reprises pour traiter la fièvre :

La Quinine dans Tintin au Congo

Tintin soigne un indigène en Afrique et le malade ayant absorbé de la quinine se trouve instantanément guéri de sa fièvre (Tintin au Congo). Dans Les Cigares du Pharaon, c’est un tube entier de quinine qui disparaît dans l’estomac d’un éléphant atteint de fièvre et qui, lui aussi, est guéri immédiatement.

La Quinine dans Les Cigares du Pharaon

Décidément l’image de la quinine est excellente pour Hergé sans doute est-ce dû à son époque marquée par les colonies.

L’ASPIRINE

Le troisième produit pharmaceutique mentionné, c’est l’aspirine, mais dans un contexte particulier : dans l’Or Noir, les Dupont et Dupond qui ont la migraine ont la mauvaise idée de consommer les comprimés N14 (additif pour l’essence afin la rendre explosive) car ces comprimés sont conditionnés dans un tube d’aspirine. Le N14 est le produit utilisé par Müller pour saboter le carburant. Les perturbations de leur système capillaire, consécutives à cette ingestion, en exprimeront longtemps les séquelles.

Cette aventure de L’Or noir donne l’occasion à Hergé de faire de Tournesol pour la première fois un pharmacologue. Ce dernier met en effet au point un remède pour soigner les deux célèbres détectives, remède secret dont on ne connaîtra jamais la composition. Ce même remède sera à nouveau utilisé lors de la rechute des Dupont et Dupond lors de leur voyage sur la lune.

LE SPARADRAP

La pharmacie de Tintin est également remplie de sparadrap. C’est un objet de pansement que l’on retrouve assez régulièrement dans la saga de Hergé. Mais la plupart du temps pour un usage très éloigné de l’usage médical. Dans L’Affaire Tournesol, le sparadrap passe de main en main et colle partout. C’est un moyen de faire le lien entre les différents personnages. Pour Vol 714 pour Sydney, c’est surtout le moyen d’obtenir le silence de ceux qui ont une crise de logorrhée verbale sous l’influence du sérum de vérité. Pour Tintin au Tibet, c’est par contre bien pour soigner le capitaine Haddock, qui a raté une marche en montant dans l’avion qui l’emmène au Népal.

LES STUPÉFIANTS

Il faut enfin signaler un ensemble de produits imaginaires ou réels qui sont des poisons ou des stupéfiants qui vont être parfois au cœur même des Aventures de Tintin.

L’OPIUM : À commencer par l’opium qui est très présent dans plusieurs aventures : Les Cigares du Pharaon. Le Lotus Bleu, Le Crabe aux Pinces d’Or.

L’Opium dans Les Cigares du Pharaon

L’origine de cet opium n’est pas précisée, mais celui des Cigares du Pharaon, caché dans des cigares, était probablement de l’opium de Perse qui se présentait à l’époque sous forme de bâtons cylindriques de 10 à 12 cm de long sur I à 1.5 cm de large.

L’Opium dans Le Lotus Bleu
L’Opium dans le Crabe aux Pinces d’Or

LA COCAÏNE : Cette dernière est également l’occasion de nombreux rebondissements. Dans L’Or noir où l’alcaloïde est trouvé dans les bagages des Dupont et Dupond, confié par un matelot devenu fou.

La Cocaïne dans Tintin au Pays de l’Or Noir.

C’est peut-être un hasard, mais les même Dupont ont arrêté Tintin quelques aventures plus tôt pour détention de cocaïne, dans Les Cigares du Pharaon, sur le bateau qui les conduit au Caire.

La Cocaïne dans Les Cigares du Pharaon

Les propriétés thérapeutiques de la cocaïne ont amené à utiliser ce médicament pendant longtemps comme anesthésique local, mais aussi pour l’anesthésie générale en chirurgie.

Ceci est à rapprocher des 7 Boules de Cristal et du Temple du Soleil, où les savants de l’expédition Sanders-Hardmuth sont mis en léthargie grâce à un liquide contenu dans des boules de verre : liquide sacré tiré de la coca, qui plonge les victimes dans un profond sommeil, apprend-t-on à la fin des aventures du Temple du Soleil.

PRODUITS IMAGINAIRES

Pour les besoins des aventures de Tintin. Hergé invente aussi quelques produits :

 

  • Le remède pour rendre l’alcool imbuvable, à base de plantes médicinales. Tournesol exerce ici pour la deuxième fois son métier de pharmacologue en testant son produit sur le capitaine Haddock (sans son consentement éclairé !), puis de façon plus étendue avec les révolutionnaires Picaros. L’effet est immédiat et général, y compris sur les indiens Arumbaya qui ont dépouillé Tournesol de ses vêtements sous l’emprise de l’alcool.

  • Le poison-qui-rend-fou. le suc de Kadjaïdah : son efficacité est redoutable et est largement démontrée dans Les Cigares du Pharaon et Le Lotus Bleu. Tintin promet de trouver le remède à ce poison et le célèbre professeur Fan Se-Yeng en fait la découverte à la fin du Lotus bleu.

  • Le gaz soporifique OX2Z. Tintin en Amérique est l’occasion pour le héros de faire la connaissance du gaz soporifique C’est également un gaz soporifique qui permet l’enlèvement de Tintin dans L’Or noir.

  • Le sérum de vérité du Vol 714 pour Sydney. Il fait largement se confier les deux personnages qui en ont reçu. Par contre, il a bien du mal à faire révéler au célèbre Carreidas le numéro de son compte bancaire. Ce sérum de vérité à dose élevée fait en tout cas dormir, ce qui le rapproche de la famille des barbituriques.

Publication reprise à partir de l’article : « Hergé et la pharmacie : médicaments, drogues et poisons vus par Tintin, Pharmacie et bande dessinée » de Bruno Bonnemain paru dans la Revue d’Histoire de la Pharmacie en 2005.

 

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