Dans « Les Aventures de Tintin, Reporter en Orient » (Les cigares du Pharaon), on ne trouve qu’une seule scène ferroviaire à relever et c’est aux Indes : s’échappant d’un asile, Tintin saute en marche dans un train semble-t-il remorqué par une 230 réellement inspirée d’une série indienne.

Mais pas de chance, il tombe sur les Dupondt (encore anonymes à ce moment des Aventures) chargés de l’arrêter.

À remarquer un détail, alors que dans « Le Petit Vingtième » du 7 septembre 1933 l’avant de la locomotive est vaguement représenté,

dans la version couleurs elle est dotée d’un « chasse-buffles » (un comble pour le pays des vaches sacrées !).

LE CHASSE BUFFLE

Ce dispositif en forme de demi tronc de cône placé à l’avant des locomotives américaines sert à chasser les animaux errant sur la voie, ou des obstacles volumineux. Ses noms les plus courants sont chasse-buffle ou chasse-bœuf, mais on trouve aussi le nom pare-buffle / pare-bœuf… ou encore chasse-vache. Largement immortalisé par le cinéma, cet accessoire est très caractéristique de la locomotive du chemin de fer américain de la conquête de l’Ouest

Le chasse-buffle ne doit pas être confondu avec le chasse-pierre :

– Le chasse-pierres : Pièce métallique qui, placée à l’avant d’un bogie de locomotive ou de tramway, sert à écarter des rails les pierres ou autres petits obstacles qui peuvent s’y trouver accidentellement. La partie inférieure de cette pièce se trouve à quelques 6 centimètres seulement au-dessus des rails

– Le chasse-buffle : Il a pour objectif d’écarter un obstacle plus volumineux hors du gabarit. S’il existe, il se situe à une hauteur d’environ 15 cm au-dessus du rail.

Tintin parvient à sauter en marche mais tombe sur les Dupondt qui sont à sa recherche. Pour se soustraire à leur interpellation, Tintin utilise un stratagème qui deviendra un classique dans la saga tintinesque : le déguisement. C’est en femme qu’il se grime afin de leur indiquer lui-même la fausse piste à suivre !

Il est, au passage, intéressant de remarquer avec quelle facilité notre héros peut se déguiser. Dans un album à venir, il se transformera en vieillard. Essayez, en moins de trente secondes, de vous glisser dans des vêtements et des accessoires tombés du ciel ! C’est possible si vous vous appelez Arturo Brachetti, maître de la métamorphose… Attention, je ne critique nullement cette décision de l’auteur de sauter le pas séparant le réel et l’imaginaire qui fait si bien rêver petits et grands…

À noter que dans la version originale parue dans Le Petit Vingtième du 21 septembre 1933, la voiture arborait une plaque « Dame seule » :

…remplacée par une simple plaque de destination « SEHRU-ARBOUJA » dans la version de l’album couleurs (lequel ne paraîtra qu’en 1955 ! soit plus de 20 ans après, totalement redessiné aux Studios Hergé). Si on veut bien traduire « Sehru » par « Céroux », lieux où Hergé s’est installé en 1953, on peut comprendre cette allusion !

Dans cette version, nous voyons une voiture à rivets apparents. Authentique ! ? ! ?… Non, il ne s’agit ni plus ni moins d’une voiture inspirée d’un véhicule de la SNCB. 

La suite ferroviaire de l’album se limite à la longue promenade de Milou le long de la voie ferrée à la recherche de son maître. Dans un dialogue plutôt inattendu avec « madame-la-vache-qui-regarde-passer-les-trains », Milou sera accusé de sacrilège pour avoir attaqué une vache sacrée !

Page 49, une heure plus tard, Tintin descend à la gare d’Arboujah et se fera arrêter malgré les peaux de bananes semées pour ralentir la marche de ses poursuivants. Ici s’arrête les ambiances ferroviaires pour cet album.

Les images extraites de l’œuvre de Hergé sont la propriété exclusive de MOULINSART SA. © Hergé-Moulinsart 2018.